All time Branchez-vous Branche Toi BetterBe Nerds Carrières

La dictature de l’épilation

Par Sophie Granger – le dans Chroniques
Je me rase les jambes depuis l’âge de treize ans environ. Je me souviens des rasoirs roses en plastiques, et des premières fois quand, maladroite, je me coupais près des chevilles. Le sang qui se mêlait à l’eau de la douche. Ça fait plus de dix ans maintenant, et rien n’a changé, sauf peut-être la qualité de mes rasoirs et mon habileté à effectuer cet exercice étrange. Mais depuis quelque temps, on dirait que ça me dérange.

Le rasage, ça ne dure pas. L’épilation, ça fait mal et ça prend du temps. La crème dépilatoire? Je ne sais pas ce qu’ils mettent là-dedans, mais une chose est sûre, c’est tout sauf naturel. Pour ce qui est de l’épilation permanente en salon, ça coûte cher et je trouve les appareils à utiliser à la maison un peu inquiétants. Bref, aucune méthode n’est vraiment satisfaisante. Mais pourquoi est-ce qu’on s’inflige encore ça en 2017?

As-tu déjà ressenti le besoin d’expliquer à ta nouvelle date le «quand» et le «pourquoi» de ta fréquence d’épilation? T’es-tu déjà excusée parce que les poils sur tes jambes commençaient à repousser, laissant ta peau aussi douce que du papier sablé? On ne devrait pas avoir honte d’être humaine, on ne devrait pas non plus avoir à justifier quelque chose qui est tellement naturel. Que s’est-il passé au courant de l’histoire pour que les femmes en viennent à être obsédées par les poils sur leur corps? Qui a décidé que la pilosité était tellement disgracieuse? D’où provient donc cette mode bizarre qu’est l’épilation?

Je pensais qu’il s’agissait de quelque chose de relativement récent, mais non, pas du tout. L’origine de l’épilation remonte en fait à la préhistoire. La pilosité serait, depuis plus de cinq mille ans, symbole d’animalité ou d’impureté. Dès cette époque, l’épilation sert à différencier l’Homme du singe, c’est un signe d’évolution et d’intelligence. D’hygiène également, l’idée étant que le corps doit être aussi lisse que possible, et dégager un minimum d’odeurs. Dans l’Égypte des pharaons, la majeure partie de l’aristocratie pratique l’épilation intégrale du corps. À l’époque gréco-romaine, la pratique de l’épilation s’étend quant à elle à toutes les couches de la société, des patriciens aux esclaves.

Au début du XIXe siècle, les représentations de la nudité féminine sont considérées acceptables seulement si les poils pubiens ne sont pas représentés. Dans les années 1930, à Hollywood, tout ce qui a trait au sexe ou au poil, peu importe son endroit sur le corps (pubis, aisselles), est obscène, et donc interdit. Du côté de la France, les poils sont tout simplement proscrits de l’entièreté des magazines, et ce, jusque dans les années 60. La représentation du corps de la femme est réduite à celle d’une «femme-enfant», pure et docile, sans désir sexuel ni mystère, faible et incomplète.

Après la Première Guerre mondiale, avec la libération des mœurs, la mode va enfin autoriser la femme à dévoiler son corps davantage. C’est à partir de cette époque que la pratique de l’épilation va vraiment se populariser. Les années 60 et 70 marqueront certes une pause dans cette frénésie de l’éradication du poil, mais cette pratique va revenir en force dès le début des années 90.

Dans les années 2000, l’épilation n’est plus qu’une simple mode, elle devient la norme. Avec l’avènement des médias de masse et la consommation toujours croissante de pornographie, il s’agit désormais de LA règle d’hygiène et de séduction numéro un, pour les femmes surtout, mais pour les hommes également. Les publicités de Victoria’s Secret, avec leurs mannequins aux corps de rêve, sont là pour nous le rappeler! Bien que leurs produits soient des dessous féminins, ces publicités ne sont clairement pas destinées aux femmes, ce qui est en soi tout à fait scandaleux, mais c’est une autre histoire. Plus que tout, ces publicités participent à alimenter la pression sociale pour un corps parfait, sans l’ombre d’un poil.

Une fille en couple s’épile deux fois par semaine au minimum. Une fille célibataire le fera généralement moins souvent. Est-ce que la célibataire se sent moins femme pour autant? Pas du tout. On a seulement appris que c’est ce qu’il faut faire pour séduire, pour être adéquate lors des rapprochements physiques et sexuels.

Tu choisis de t’épiler? D’accord. Mais tu devrais le faire pour toi et personne d’autre. Surtout pas en considération de conceptions dépassées datant des hommes des cavernes ou sous la pression de publicités vicieuses et mensongères censées représenter l’idéal féminin actuel.

Plus de chroniques

Dénoncer, une décision difficile

Dénoncer, une décision difficile

Comprendre le mouvement «Black Lives Matter»

Comprendre le mouvement «Black Lives Matter»

Ma marraine la bonne fée

Ma marraine la bonne fée

Populaires

5 comptes Instagram érotiques qui vont te donner chaud!

5 comptes Instagram érotiques qui vont te donner chaud!

30 choses à faire avant d’avoir 18 ans

30 choses à faire avant d’avoir 18 ans

Quiz: Quel personnage de Riverdale es-tu?

Quiz: Quel personnage de Riverdale es-tu?