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Perdre son chien et son meilleur ami

Par Collaboration spontanée – le dans Chroniques
On parle souvent du deuil humain, qui est étudié, analysé, démystifié, mais qu’en est-il du deuil animal? Ce texte est l’occasion de vous relater les miens, pour les mettre derrière moi, mais aussi pour partager. Partager ce que plusieurs ont vécu ou vivront: la perte de leur meilleur ami.

Je me suis acheté trois chiens dans ma vie. Je dis acheté, car j’ai bel et bien déboursé des sous pour me procurer mes bêtes à poils, mais par la suite, ils ne représentaient définitivement pas un bien. À défaut de me faire accuser d’anthropomorphisme, je les considérais bien plus comme des petits êtres à part entière, avec leur personnalité et leur tempérament bien distincts.

D’abord, il y a eu Kaly, qui méritait le titre de chiot la plus turbulente que la terre ait porté. Si on avait le malheur de laisser un espace en ouvrant la porte, on avait le droit à des rallyes interminables chez les voisins; elle pouvait se mettre à parcourir les escaliers de notre maison en rangée de trois étages plusieurs fois consécutives à une vitesse telle que, malgré ses 10 livres environ, elle troublait fortement la quiétude des voisins. Ses dents sont venues à bout d’un nombre innombrable de nos biens : mes soutiens-gorges destinés au séchage, nos souliers, des coins de murs, des tapis, etc., etc., etc. On l’a surnommée Kalyboy en l’honneur de son énergie digne d’un gars manqué. Kalyboy est une extrême, car il semble que toute l’énergie qu’elle a déployée dans sa jeunesse avait amputé celle de ses années de chienne adulte. Elle est devenue la chienne la plus tranquille qui soit, désintéressée par les jouets, calme et docile. Kalyboy est devenue la vieille fille.

Ensuite, il y a eu Gustav, qu’on a appelé ainsi puisqu’il est entré dans nos vies en même temps qu’un ouragan du même nom faisait partout les machettes en 2008. Gustav n’avait pourtant rien d’un ouragan. Gustav n’a jamais été chiot. Il n’a pas fait de rallyes, il n’a rien mâchouillé. Gustav avait une vieille âme, en quelque sorte. Un chien qui marchait au pied, sans laisse, sans que personne n’ait investi du temps à lui montrer. Gustav était soumis, calme, affectueux et très intelligent. Mais Gustav, alias Gugu, était malheureusement malade.

Enfin, il y a eu Darius, le successeur de Gustav, qui avait laissé un immense vide. Darius fut le premier choix d’une portée, choix basés sur les motifs qui ne sont pas les plus rationnels qui soient. Darius était le seul qui se débattait énergiquement lorsqu’on le positionnait sur le dos pour tester son degré de soumission, mais Darius était aussi le seul qui plongeait ses grands yeux en quête d’affection dans les nôtres et gémissait avec son regard insistant lorsqu’on osait le remettre dans son enclos avec son frère et ses sœurs. Darius est demeuré fidèle à sa première rencontre : un chien dont la réussite du dressage pouvait seulement relever d’un maître aguerri…très aguerri (qui n’était malheureusement pas moi!). Il est également demeuré un chien très expressif et éminemment affectueux. Avec Darius, l’expression «suivre comme son ombre» prend tout son sens. Darius a été surnommé le psychopathe par un de mes amis, un psychopathe qui relève le défi d’être à la fois un chien très attachant… lorsqu’on lui laisse un peu (beaucoup ?!?) de temps. Aujourd’hui, aucun de ces trois chiens ne fait partie de mon quotidien. J’ai perdu la vieille fille, Gugu, et mon psychopathe affectueux…

La perte de Gustav

La maladie m’a d’abord séparée de Gustav, ce chien qui frôlait la perfection. À six mois, Gustav a cessé de grossir, il ne mangeait pratiquement plus et, lorsqu’il le faisait, son corps ne collaborait pas. On a investi beaucoup de temps et d’argent sur Gustav qu’on chérissait tant. Mon ex lui broyait sa nourriture chaque matin, on se rendait chez le vétérinaire hebdomadairement pour lui faire administrer un cocktail vitaminé, on l’a soumis à plusieurs examens pour identifier la cause de tous ses maux, sans succès. Un jour, on a dû s’avouer qu’on s’acharnait à vouloir garder Gustav en vie, davantage pour nous que pour lui.

La vie de Gustav était devenue souffrance : il n’avait plus d’énergie pour prendre des marches dignes de ce nom, il mangeait visiblement pour nous satisfaire et ne digérait rien normalement. La maladie était omniprésente, même si on tentait de la cacher en l’habillant d’un manteau pour dissimuler sa maigreur extrême. Tous les chiens (ou presque!) vivent pour faire plaisir à leur maître. Gustav le faisait en dissimulant sa maladie et en nous offrant ici et là plusieurs parcelles de joies de vivre. Si les oiseaux se cachent pour mourir, Gustav se cachait pour souffrir.

Alors, décider de mettre un terme à sa souffrance a été un choix des plus déchirants. On l’a amené chez le vétérinaire, avec son panier, son toutou favori et de la viande de cheval. On pouvait désormais lui offrir le luxe de le nourrir avec ce qu’il aimait, car il n’aurait pas, cette fois-ci, de digestion pénible; il n’y aurait tout simplement pas, cette fois, de suite. Mon ex et moi, on a tenté d’être fort pour lui : on l’a nourri, on l’a caressé, on tentait tant bien que mal de faire comme Gustav: de cacher notre souffrance.

Toutefois, les chiens ressentent instinctivement nos émotions. J’ai le sentiment que Gustav était conscient, d’une certaine façon, de ce qu’il se passait, qu’il était soulagé et serein, qu’il nous disait, en quelque sorte, merci. Gustav s’est couché dans son panier qu’on avait déposé sur la table froide du vétérinaire. Il n’a pas eu besoin de calmant avant qu’on lui administre la dose létale, il n’a pas bronché lorsque le vétérinaire a fait pénétrer l’aiguille dans une de ses petites veines… Ses yeux sont demeurés ouverts, ouverts pour qu’on puisse bien percevoir la vie les quitter, pour qu’on puisse bien voir l’instant où ils se sont figés pour l’éternité. En un si court instant, Gustav était parti, Gustav était délivré…

La perte de Kaly

La perte de Kaly fait suite à une séparation. Une séparation qui, après huit ans de vie commune, nécessitait qu’on se sépare nos biens. On s’est donc séparé nos chiens comme on s’est séparé nos meubles … Mon ex a gardé la vieille fille, moi j’ai hérité du psychopathe.

Je me souviendrai toujours de la journée où j’ai fait mes valises pour aller demeurer temporairement chez une amie. Ma vieille fille me regardait, l’air de se demander où j’allais. Cette destination qui exigeait des valises très garnies et qui m’attristait beaucoup plus qu’elle m’enthousiasmait. Kaly ne savait pas que les valises que je faisais, je ne les déferais jamais plus dans sa maison. Ce jour-là, j’ai dû faire comme Kaly et je me suis fait croire que je partais en voyage. Si j’avais pleinement réalisé que je fermais la porte en laissant derrière ce chien qui m’avait tant donné et qui avait fidèlement partagé ma vie pendant presque huit ans, j’ai la certitude que je me serais effondrée.

Je sais au moins que ma vieille fille poursuit ses jours entre bonnes mains, entre celles de mon ex qui, si la façon dont on traite un animal est garante de la façon dont on élève ses enfants, sera un père exceptionnel. Je suis reconnaissante envers lui de prendre soin de notre vieille fille dans un contexte où la vie est parfois ironique : lui, qui s’est procuré cette chienne d’abord pour faire plaisir à sa nouvelle blonde, se retrouve aujourd’hui avec elle sans la blonde, avec notre Kaly qui lui sera, contrairement à moi, loyale jusqu’à la fin.

La perte de Darius

Le temps de rebondir de ma séparation, j’ai mis Darius dans la voiture de mes parents en visite chez moi avec l’intention de le récupérer, ce que je n’ai jamais fait. Il y a eu, pour Darius, un aller dans ma ville natale, mais pas de retour. Darius est un chien avare de présence humaine et d’affection. L’imaginer seul pendant 10 heures, dans un appartement, alors qu’il a grandi dans une maison avec une présence canine et une présence humaine beaucoup plus constante, m’arrachait littéralement le cœur.

Heureusement, j’ai eu l’immense chance d’avoir des parents qui se sont attachés tranquillement au psychopathe et qui lui offre aujourd’hui la meilleure vie qu’il puisse avoir… Merci en particulier à ma mère pour son amour inconditionnel envers la race canine, qu’elle m’a d’ailleurs léguée, et pour sa capacité admirable de trouver le bonheur dans les petites choses simples de la vie, dont son quotidien avec Darius. Papa, maman, je suis reconnaissante d’une multitude de choses et l’adoption (un peu forcée) de mon Dada est un des plus beaux cadeaux que vous m’ayez faits, un cadeau pour lequel je vous serai reconnaissante jusqu’à la fin.

Aujourd’hui

Aujourd’hui, je n’ai plus d’accueil triomphal lorsque j’entre à la maison, plus de petits êtres à quatre pattes qui surveillent mes faits et gestes en convoitant une dose d’affection. Le matin, je prends désormais mon café et mes toasts seule, sans boules de poil pour en quémander les croûtes avec un regard insistant. Prendre une marche m’apparaît désormais vide de sens et j’expérimente parfois ce que représente la véritable solitude. Aujourd’hui, je vis sans chien. Je vis sans chien en renonçant de combler le manque causé par l’absence de bête à poil dans ma vie, car je tiens à offrir amour, temps et stabilité jusqu’à la fin au prochain chien que je me procurerai. Vivre sans chien peut aussi être une belle preuve d’amour envers eux. Lorsqu’on profite de la fidélité la plus pure qui soit, la moindre des choses est, selon moi, d’optimiser les chances qu’elle soit réciproque pour la vie. Pour sa vie.

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