La fois où j’ai daté un gars en couple ouvert
C’était en 2016 ou 2017. J’ignore lequel de nous deux a cruisé le premier. Je sais seulement que je le trouvais vraiment cute et gentil. On s’était rencontré à un show par le biais d’amis communs. Après avoir un peu jasé sur Facebook, Joseph* m’a invité à aller au restaurant. C’est ainsi que je me suis retrouvée un mercredi soir à souper au Bambou Bleu avec lui, près d’un gigantesque aquarium rempli de beaux poissons colorés. Maintenant, l’aquarium est vide. Tout cas.
Nous étions complètement seuls dans le restaurant: c’était un peu awkward (juste assez pour que je sourie d’une manière bizarre en me jouant dans les cheveux). J’ai quand même fait la bise à Joseph tout en m’asseyant et en pensant à mon plan de secours: on est jamais trop à l’abri des psychopathes et attaques impromptues de zombies.
Après avoir fait du small talk pendant un bon 5 minutes, la météo québécoise étant toujours un bon sujet de conversation pour détendre l’atmosphère, j’ai réussi à me calmer un peu et à commander. Là, je pensais probablement juste à ma bouffe et aux frenchs qu’on allait s’échanger après notre repas asiatique quand Joseph m’a dit: «Ouais, en passant, je suis en couple ouvert.» Heu, what!?
Normalement, je me serais esquivée en 2 secondes et quart. Un vrai tour d’Houdini! Mais ça adonne que j’avais terriblement faim. Genre, mon ventre faisait autant de bruit qu’un chantier de construction à 8h du mat’ (c’est tout le temps plus bruyant à cette heure-là). Je l’ai donc écouté me parler de sa relation de couple ouvert, moi qui n’avais jamais entendu parler de ça auparavant. Pour moi, un couple, c’était 1+1=2, that’s it, that’s all. Les variables n’entraient pas dans l’équation. C’est déjà assez compliqué comme ça!
Il m’a donc expliqué que sa relation amoureuse lui permettait de voir d’autres personnes, pourvu que ce ne soit pas chez lui et qu’aucun sentiment amoureux ne soit impliqué. Sa blonde avait évidemment la permission de fréquenter d’autres gars aussi.
Tout le long du repas, j’étais assez silencieuse, absorbant l’information et me disant que j’aurais préféré avoir affaire à une attaque de zombies. On s’est quitté sans se frencher de manière langoureuse dans un petit bar cute du Plateau, comme je l’espérais au départ.
Quelques jours plus tard, je lui ai réécrit. J’étais beaucoup trop curieuse. Je devais aller au «bout» de la chose. Je l’ai donc invité chez moi alors que ma coloc était chez son chum. Il était tard et je me disais que ce serait le fun.
On a commencé à jaser, puis à s’embrasser de manière assez intense. Évidemment, est venu le moment où on s’est dirigé vers ma chambre pour se «coucher». Il s’est alors dirigé vers une de mes bibliothèques et s’est emparé de mon exemplaire des Fleurs du mal de Baudelaire. J’avais d’autres idées en tête que de replonger dans mon cours de littérature, mettons. Joseph s’est étendu sur mon lit et m’a dit, tout bonnement: «Je vais te border en te lisant des passages, ok?» J’ignore si, à ce moment-là, je capotais ou j’étais juste totalement sous le choc, abasourdie par le weirdness de la situation. Il a continué jusqu’à ce que je fasse semblant de m’endormir (car on peut faker autre chose que les orgasmes, ça a l’air), m’a flatté les cheveux et est parti.
Il m’arrive de le recroiser en compagnie de nos amis communs et de sa blonde. Chaque fois, je me demande si elle sait pour moi quand elle me sourit avec candeur, et je me demande surtout s’il lui lit de la poésie avant l’heure du coucher.
* Nom fictif
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