Ma relation amoureuse avec un homme beaucoup plus âgé

Cette histoire, je veux la raconter depuis longtemps, mais chaque fois que je m’y colle, je n’arrive pas à mettre de l’ordre dans ma tête. Mais aujourd’hui, j’ai décidé que le moment était venu de laisser les mots couler pour raconter, comme ça vient, cette importante partie de ma vie, cette relation amoureuse atypique avec un homme considérablement plus âgé que moi, cette histoire que je ne regrette absolument pas parce qu’elle représente tout ce qu’on peut espérer d’un fantasme réalisé, et parce qu’elle m’a appris beaucoup sur moi-même.

La rencontre

Les rencontres en ligne, ça ne date pas d’hier. Bien avant les Tinder et Bumble de ce monde, il y avait de simples réseaux sociaux où l’on ne rencontrait pas seulement des personnes avec qui dialoguer de nos passions, de la pluie et du beau temps. C’est comme ça qu’à 18 ans, encore jeune et naïve, je l’ai rencontré. Il y a une dizaine d’années, nous n’étions pas aussi sensibilisés qu’aujourd’hui à tout ce qui peut se tramer sur le Web. On était gentil avec moi, on me donnait de l’attention comme je n’en avais jamais eu avant, pourquoi je me méfierais?

Déjà, tu te dis que tu vois très bien où s’en va cette histoire, et que ça ne sera certainement pas joyeux, n’est-ce pas? Heureusement, tu te trompes, et de loin.

Le début d’une longue histoire d’amour

Il avait 55 ans, j’en avais 18. Je te concède que cette information à elle seule est digne d’un scénario catastrophe. Alors si j’ajoute qu’il vivait en Angleterre, était marié et avait deux enfants plus âgés que moi, ça devient presque un mauvais film de série B. Et pourtant, ça n’a pris que peu de temps avant que je tombe amoureuse de lui, et lui, de moi. Tu pourrais croire que son amour pour moi était faux, que ce n’était que ce qu’il voulait me faire croire, mais avant de sauter aux conclusions, je t’invite à lire plus avant.

Chacun de notre côté, on se levait très tôt le matin, lui pour aller travailler et moi, pour me rendre à l’université, mais on restait tout de même debout très tard pour pouvoir se parler. On devait trouver des moyens d’optimiser notre temps «ensemble», surtout avec les 5 heures de décalage qui nous séparaient, donc ce sont nos nuits qui en ont écopé.

femme devant ordinateur portable

Victoria Heath | Unsplash

Au début, on ne faisait que clavarder. À l’époque, je ne parlais presque pas anglais, on avait beaucoup de mal à se comprendre, mais heureusement, Google Traduction nous a souvent sauvé la vie. Puis, après quelque temps, quand je me suis sentie assez à l’aise avec lui pour oser tenter lui parler en anglais, on a commencé à communiquer par vidéo. On se parlait tous les jours, durant des heures. J’avais beaucoup de mal au début; j’avais un peu honte, mais il me trouvait absolument mignonne et m’aidait autant que nécessaire. Parfois, on activait la caméra simplement pour avoir l’impression d’être ensemble, alors que j’étudiais et qu’il vaquait à ses propres occupations.

Un intermède de 4 ans

Quelque temps après notre rencontre en ligne, notre relation à distance s’est vue mise sur pause. Jeune et naïve, je ne l’étais tout de même pas au point de m’isoler du monde entier, et ce n’était pas ce qu’il me souhaitait non plus. J’ai donc rencontré un garçon qui habitait dans ma ville et qui était de mon âge, cette fois. Pendant les 4 ans qu’a duré ma relation, nous n’avons pas perdu contact, lui et moi, mais on ne se parlait que très rarement, à raison de quelques fois par année.

Mais du moment que ma relation amoureuse s’est terminée, il a immédiatement repris la place importante qu’il occupait jadis dans ma vie, comme si on ne s’était jamais quitté. Clavardage et, surtout, conversation par vidéo on repris de plus belle. Et les conversations vidéo ont éventuellement mené à autre chose que de simples conversations, évidemment. On était réellement en amour, au point où je rêvais pouvoir vivre avec lui un jour.

C’est fou, l’amour, parfois, non? Ce sentiment nous frappe de plein fouet, sans qu’on puisse choisir pour qui battra notre coeur. Mais je me doute bien que tu n’es toujours pas convaincu de la véracité et de la beauté de cet amour, je me trompe?

Notre première rencontre

Après plusieurs années à se connaître, se parler et se voir en vidéo, l’étape suivante était bien entendu de se rencontrer en personne. On en rêvait depuis des lustres, mais son statut d’homme marié et mes finances d’étudiante compliquaient les choses. N’en reste pas moins qu’à un certain moment, j’ai réussi à amasser assez d’argent pour me payer un voyage en Angleterre. Trois semaines, rien de moins, dans un pays qui m’était inconnu, mais que j’avais toujours voulu visiter. Et surtout, une journée avec lui, en vrai.

Le jour fatidique

Cette journée aurait pu mal se dérouler, et très mal se terminer, je te l’accorde, mais encore une fois, ma naïveté n’a jamais été synonyme d’insouciance. Les moments où l’on s’est retrouvés ailleurs qu’en public se sont résumés à nos déplacements en voiture pour se rendre d’un point à un autre.

On avait prévu se rejoindre à la gare de train d’une petite ville en périphérie de Londres. J’étais des plus fébriles, mais dès le premier regard qu’on a posé l’un sur l’autre, tout le reste s’est envolé. Ce n’était que nous deux, l’un dans les bras de l’autre, dans une étreinte sans fin, à tenter de réaliser que tout cela se déroulait vraiment. C’était un moment unique dont je me souviendrai toute ma vie dans les moindres détails.

jeune femme songeuse

Jon Ly | Unsplash

Une fois ce moment charnière passé, que notre rêve commun était devenu réalité, nous sommes partis ensemble à la découverte de cette ville qu’il connaissait déjà bien. Nous nous sommes d’abord rendus dans un musée, que nous avons visité avec intérêt, certes, mais distraction. Je ne pouvais penser à autre chose qu’à la folie que j’étais en train de vivre, à notre étreinte précédente ou encore à sa main qui se posait parfois sur ma hanche, d’autres fois sur mon épaule ou encore sur ma joue. Ce n’est que lorsqu’on s’est retrouvés seuls dans une petite salle ne contenant que quelques tableaux qu’il m’a embrassé pour la première fois. Doucement. Sensuellement. Longtemps. Plus rien d’autre que lui n’existait, et j’avais une tonne de papillons dans le ventre.

Le rêve devenu réalité

C’était une journée absolument parfaite, vraiment, jusqu’au moment où on a dû se quitter. J’avais un train à prendre pour retourner à Londres, et sur la route pour me ramener à la gare, nous étions en plein embouteillage. C’était une question de minutes avant que le train ne parte sans moi, et comme nous étions juste en face de la gare, incapables de nous rentre au stationnement, j’ai dû quitter la voiture à la hâte, ayant tout juste le temps de l’embrasser une dernière fois.

Un sentiment horrible m’a alors envahi; un sentiment d’incomplétude et de vide. Je l’avais quitté avec un dernier baiser prodigué à la volée, et c’était de cette manière que se concluait ma journée unique avec lui. Et peut-être qu’on n’aurait plus jamais l’occasion de se revoir.

L’après

On dit toujours qu’on ne peut s’ennuyer de quelque chose qu’on ne connaît pas. J’avais toujours eu l’immense envie de le rencontrer en personne, mais avant que cette envie ne soit comblée, elle était supportable. Après cette journée, son absence à mes côtés me pesait terriblement, et réciproquement. Il y avait donc une certitude absolue qui planait entre nous: nous devions nous revoir.

Entre nos conversations vidéo désormais insatisfaisantes et nos espoirs durement cultivés, il se tramait plusieurs choses de son côté, notamment un divorce et un déménagement. C’est ainsi que malgré des finances précaires, je me suis ruée sur un billet d’avion à prix modique deux ans plus tard pour aller passer trois semaines complètes avec lui, cette fois, dans sa nouvelle demeure.

Quand l’improbable survient

Deux ans après notre première rencontre en sol anglais, j’y retournais donc pour profiter de trois semaines complètes avec mon «amoureux» désormais célibataire et libre. J’avais alors 26 ans, et lui, 63.

Près de 24h après mon départ de Montréal, j’arrivais à l’aéroport où il m’attendait. Un tout petit aéroport où il n’y avait pas foule, mais où, donc, tout était facilement repérable. À mon arrivée, alors que je marchais vers lui, je commençais déjà à ressentir un certain malaise. J’avais l’impression que tout le monde avait les yeux braqués sur moi, me voyant avancer directement vers lui, qui me regardait, tout sourire, et qui m’a embrassée dès que je suis arrivée à sa hauteur.

Alors que deux ans plus tôt, tous nos rapprochements s’étaient effectués plus ou moins dans l’ombre, incognito, cette fois, tout se déroulait à découvert. Autant j’étais heureuse et reconnaissante d’être enfin là avec lui, autant je ressentais un sentiment étrange, recevant le possible jugement des autres en plein coeur. Le même jugement que tu as peut-être en ce moment, alors que tu lis mon histoire.

Entre bonheur et malaise

Sur la route menant chez lui, je n’arrivais pas à croire que j’étais bien là, que ce rêve fou et improbable, ce fantasme, se réalisait. Évidemment, à la seconde où nous n’étions plus en présence d’inconnus, mon malaise se dissipait complètement et je ne pouvais que profiter du moment inouï qui m’était offert.

Une fois chez lui, bien entendu, le moment qu’on attendait depuis si longtemps était maintenant venu. Je n’avais pas dormi depuis 26h, mais ça m’était égal. Je n’avais envie que d’une chose à ce moment précis: lui.

Jeune femme couchée dans un lit

Nick Karvounis | Unsplash

C’est ainsi que nous avons entamées nos trois semaines, où activités, visites et amour se sont alternés. Plus le temps avançait, cependant, et plus je réalisais qu’au final, toute cette histoire, c’était plus un fantasme qu’une histoire d’amour à long terme.

Détrompe-toi, je l’ai aimé, cet homme, passionnément, même, mais de pouvoir passer autant de temps avec lui m’a fait réaliser à quel point une relation entre deux personnes ayant 36 ans d’écart n’était pas faite pour moi, sans compter la distance qui nous séparait. Tout au long de ces trois semaines, j’ai adoré être avec lui, mais pas nécessairement en public.

Les adieux

Malgré les moments de doute et de malaise qui ont pu m’assaillir pendant les semaines que j’ai passées chez lui, la veille de mon départ, j’avais le coeur gros. Je ne pouvais pas croire que cette aventure était déjà terminée, et nous étions tous les deux conscients qu’on ne se reverrait jamais.

À l’aéroport, le lendemain, j’ai beaucoup pleuré, la tête sur son épaule et au creux de ses bras. Tout d’un coup, l’opinion des autres ne m’importait plus. Je ne voulais pas le quitter, et ça, c’était plus fort que tout. Après un moment, je lui ai demandé de partir; j’avais besoin d’un moment pour me ressaisir avant de prendre l’avion. On s’est donc fait nos derniers adieux, puis il a quitté l’aéroport. J’ai continué de pleurer pendant un moment, me retournant sans cesse pour voir si je ne l’apercevrais pas au loin, en vain.

jeune femme dans un aéroport

VanveenJF | Unsplash

Quelques jours plus tard, alors qu’on se remémorait cette incroyable aventure, il m’a avoué qu’après nos adieux à l’aéroport, il s’était stratégiquement placé près de la sortie pour m’observer, sans que je puisse l’apercevoir, jusqu’à ce que je parte pour de bon.

Et maintenant?

Le temps a passé, nos sentiments se sont estompés, puis un an plus tard, j’ai rencontré quelqu’un de mon âge à Montréal. Aujourd’hui, on se parle toujours, mais sporadiquement, prenant des nouvelles de l’autre quelques fois par année.

Est-ce que je regrette cette aventure? Absolument pas. Je crois avoir vécu quelque chose de beau et de précieux, même si atypique et choquant pour plusieurs. Je considère qu’il s’agit d’une histoire que j’avais besoin de vivre une fois dans ma vie, un fantasme, et que maintenant que l’expérience est du passé, je n’aurai jamais besoin de la revivre ou de me demander «Et si?»

Voilà comment ma relation amoureuse avec un homme beaucoup plus âgé que moi s’est déroulée, alors qu’au départ, tout cela semblait voué à l’échec, voire au malheur. C’est difficile à croire, je sais, et pourtant!

 

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Crédit photo de couverture: Naitian(Tony) Wang | Unsplash