Ça veut dire quoi pour vrai, être asexuel?

Questionnée sur la définition de l’asexualité, la sexologue Joannie Gauthier nous dit qu’il faut identifier, dans un premier temps, si le fait d’être asexuel consiste en un choix personnel ou si, au contraire, c’est un comportement relié à une problématique X. En d’autres mots, est-ce un comportement asexuel ou êtes-vous asexuel? Petite distinction.

Comportements asexuels

Chez un couple marié depuis plusieurs années qui a eu des enfants et qui n’a plus envie d’avoir des rapports sexuels, on parle de comportements asexuels. Si une personne choisit de ne plus avoir de relations sexuelles pour des raisons médicales, on se retrouve encore une fois devant un comportement asexuel.

Au même titre qu’une personne hétérosexuelle peut avoir des comportements homosexuels, un individu peut avoir des comportements asexuels sans pour autant être asexuel. L’important est de ne pas chercher à se définir ou à se classer, croit la sexologue. Il faut plutôt travailler sur la découverte de sa propre conception de la sexualité.

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Élargir sa compréhension de la sexualité

Joannie Gauthier croit également qu’une mauvaise compréhension ou une compréhension limitée de la sexualité peut modeler notre interprétation de ce qu’est l’asexualité. «Par exemple, on peut avoir une sexualité qui n’inclut pas de pénétrations, même si la société définit la pénétration comme nécessaire à la définition de la sexualité. Embrasser quelqu’un fait partie de la vie sexuelle.» Ainsi, en réévaluant notre définition de ce qu’est la sexualité, notre perception de l’asexualité sera elle aussi amenée à changer.

Être asexuel(le)

Dans un autre ordre d’idées, il y a ceux et celles qui choisissent de ne pas avoir de relations sexuelles parce qu’ils n’y voient pas l’intérêt et qu’ils n’ont pas d’attirance sexuelle envers qui que ce soit. «Ça ne veut pas dire qu’ils n’ont pas envie d’avoir une relation de proximité avec quelqu’un», précise madame Gauthier. C’est le cas de Maude, une jeune femme asexuelle dans la vingtaine.

À l’adolescence, Maude vit ses premières expériences sexuelles, «comme tout le monde», plutôt par curiosité que par envie. «C’était de mon plein gré, mais ce n’était pas moi qui prenais les initiatives», se souvient-elle.

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Pas comme les autres

Dès sa première relation amoureuse, elle se sent différente des autres. «Je me rendais compte que je ne prenais jamais l’initiative d’avoir des relations sexuelles. J’entendais parler les gens. Ils aimaient ça, ils couraient après le sexe. C’est correct, mais ce n’était pas mon cas. Quand j’ai laissé mon ex, j’ai été quatre ans célibataire, sans ressentir de manque. Sans courir après ça. Mes amis se demandaient comment je faisais.»

La jeune femme en vient à se questionner sur son orientation sexuelle, mais elle ne ressent pas d’attirance sexuelle ni envers les hommes ni envers les femmes.

Découvrir son asexualité

Puis, elle rencontre l’homme avec qui elle partage sa vie aujourd’hui et la même problématique refait surface. Quand il lui demande si elle sait pourquoi ils n’ont pas eu de rapports sexuels depuis quelques temps, elle décide de faire des recherches. «J’ai trouvé un site vraiment complet et je me suis reconnue dans les témoignages. Ç’a été un soulagement de mettre des mots sur ce que je vivais parce que ça faisait longtemps que je savais que j’étais différente des autres. Par contre, comme j’étais en couple, j’étais stressée de savoir comment mon copain allait réagir.»

Si l’annonce est un choc pour l’amoureux de Maude, celui-ci accepte d’en discuter. Le couple se donne le temps de s’adapter. «Ça a changé nos pratiques, ça a changé nos façons de voir les choses, d’agir. Il va faire plus attention à ce qu’il va dire. Il va faire plus attention pour voir si ça me tente vraiment d’avoir une relation sexuelle. Il va être plus consciencieux.»

Des compromis parfois possibles

Bien que les rapports sexuels ne soient pas un besoin pour elle, Maude peut tout de même y trouver du plaisir. «Je me force pas à chaque fois, je suis capable d’avoir du fun, mais je dois me mettre dans le mood. Ça peut pas se faire d’un coup.» Elle sait toutefois que certaines personnes asexuelles ne veulent tout simplement pas avoir de relations sexuelles. «Ce qui est important, c’est la communication et de voir ce qui peut faire l’affaire des deux personnes. Pour certaines personnes, les compromis sont impossibles, tandis que d’autres personnes sont prêtes à avoir des relations pour plusieurs raisons, comme avoir des enfants ou pour faire plaisir à leur partenaire.»

Pour Maude, la sexualité est une activité comme une autre qu’elle compare avec le sport. Certains en sont adeptes, d’autres moins. Elle y va aussi d’une analogie avec le vin rouge. Bien qu’elle préfère le vin blanc et qu’elle achètera toujours du vin blanc, elle ne dira pas non si on lui propose une coupe de vin rouge. Elle pourrait même apprécier sa coupe.

Et la libido?

Maude précise qu’il y a une différence entre l’attirance sexuelle et la libido. De son côté, elle a des besoins sexuels et une libido normale, elle pratique donc la masturbation, mais elle ne cherche pas à avoir de relations avec une autre personne parce qu’aucune personne ne l’attire. Ainsi, ne pas avoir de relations sexuelles du tout lui conviendrait.

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En terminant, la sexologue Joannie Gauthier rappelle que toutes les avenues sont possibles en ce qui a trait à la vie sexuelle. Il ne faut sentir aucune pression ni aucune honte. Elle propose de garder une porte ouverte à la réévaluation de la décision d’être asexuel à tout moment (transition de vie, rencontre d’un nouveau partenaire, etc.) et ce, en cohérence avec ses valeurs, ses choix, bref avec soi. «Il ne faut pas se dire que cette décision est une fatalité puisque la sexualité est évolutive. C’est correct de conserver sa décision de ne pas avoir de relations sexuelles si on vit bien avec cette décision. Mais les gens deviennent souffrants quand ils se sentent prisonniers des choix qu’ils se sont imposés. Voilà pourquoi il ne faut pas s’empêcher de renégocier cette décision après quelque temps.»

*Nom fictif