Menteurs (1ère partie)

« C’était presque trop facile », qu’y me disait chaque fois qu’il trouvait la bonne niaiserie à dire pour se sortir de chaque situation plate que la vie amenait. Ça devait lui donner des Air Miles quelconques dans son programme de menteries qu’il accumulait parce que crois-moi, il était rendu fort là-dedans. Le type de PHD qui scrappe plus de vies que de calculs d’astrophysique, tsé. Des fois c’était juste une petite menterie pour pas faire de peine, mais des fois ça finissait en « dis pas ça à ma blonde », pis ça tu vois j’étais limite pas à l’aise.

Y s’était longtemps demandé si y réussirait à ne se contenter que d’elle, à ne jamais la voir comme une gomme qu’il avait trop mâchée. Sa relation goûtait plus grand-chose mais la cadence de mâcher le rassurait. Comme si la laisser aller faisait trop peur, comme si le regret allait finir par le rattraper. Elle faisait encore des efforts elle, elle avait pas changé. Pis un soir, ben, y’a juste pas raccompagné la bonne fille à la bonne maison. C’est là que la fille avec qui il venait de fêter 3 ans de vie commune est tombée sur le mauvais texto.

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Un gars qui ment, c’est jamais préparé à l’avance. C’est spontané et défensif, c’est Markov pis Subban qui savent pas trop comment dealer avec le puck, y l’avait pas vue venir celle-là. C’est dans un élan de cœur qui bat plus vite pis de balbutiements qu’il réussit finalement à sortir une excuse, en regrettant la piètre qualité de son argument, sitôt sorti de sa bouche. Mais comme son interlocuteur (plus souvent interlocutrice, avouons-le) en est pas à son premier BBQ, inutile de te dire qu’un mensonge en entraîne forcément un autre pis que c’est pas long qu’il lui faut augmenter le niveau. C’est là que ça devient triste, c’est là que ça devient routine et que le talent s’acquiert. C’est le moment malheureux où le mensonge sort inutilement, juste par appréhension. C’est là que le cercle vicieux pousse même à soupçonner l’autre de faire pareil, parce que c’est juste trop naturel.

Toute vérité ne finit pas par se savoir, malheureusement. Certains s’en tireront sans conséquences, leurs menteries ne revenant pas sur la table deux saisons plus tard comme dans The OC ou encore parce « je pensais qu’on en avait fini avec ça ». Parce qu’on peut malheureusement pas se retaper nos DVD de vie pour se rappeler les détails qui nous avaient échappé, on finit par choisir d’acheter la paix et de taire l’histoire louche.

C’est quoi le mensonge au fond? C’est juste des mots qu’on choisit de placer là où la vérité serait pas tolérable. Là où on serait pas prêt à l’entendre. C’est conforter avec la parfaite histoire, un alibi en apparence pas de faille. En apparence, oui. Parce que l’emporter dans sa tombe a un coût. Le coût d’avoir dû trahir une personne qui nous tenait à cœur. Le dispendieux prix d’avoir échoué à rester parfait, à avoir tout fait comme il le fallait. De pas mériter l’amour de cette personne-là dans le fin fond pis de prier le ciel chaque nuit qu’elle le découvre pas, en te disant que tu vas profiter de la chance que t’as pis que cette fois-là, tu vas pas merder. Parce qu’au-delà des talents de persuasion, y’a aussi soi-même qu’il faut convaincre. Pis ça demande plus qu’un PHD en menteries, ça demande un peu de manque de respect envers soi-même.

Par Chanel Garceau
Collaborateur spontané

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