À toi que j’ai rencontré en route vers Québec
Gare d’autocars de Montréal, en attente de mon autobus pour revenir à Québec. Je suis un peu en avance, ce qui me permet de me mettre en file d’attente pour cibler un siège-double, me disant que j’aurai la paix pour le voyage. Allez-y, jugez-moi. Je l’assume : j’aime ça avoir un siège-double pour avoir plus d’espace, pour m’éparpiller en étudiant pour mes cours et pour prendre le temps de réfléchir dans ma propre bulle.
19h30 : heure d’embarquement. Le temps file et l’autobus se met à se remplir. 19h30 devient rapidement 19h40, 19h46, puis 19h52. Réfléchissant à la possibilité d’avoir la pire personne possible assise à ma gauche, j’ai décidé de choisir mon propre destin plutôt que de laisser choisir mon voisin de siège à ma place. Après tout, je considère que j’ai un des pires, pour ne pas dire le pire, karma en matière de malchance en transport en commun. Odeurs nauséabondes, personnages particuliers, situations malaisantes que tu penses qui arrivent juste aux autres, etc. Vous pourriez nommer n’importe quoi, je l’ai soit vu, entendu, senti ou vécu. Il y a une infinité de possibilités de ce qu’on peut vivre en prenant le transport en commun.
Je décide donc de choisir mon destin. Il y a de plus en plus de gens qui embarquent et je me dis que le destin va finir par forcer ma main sur mon double-siège.
Puis, cet étranger embarque. Détournement de mon attention. Je vais être honnête, il l’a captée de beaucoup. Vraiment beaucoup. C’est le moment où je me dis que c’est un signe et que c’est aussi bien de rendre l’utile à l’agréable pendant trois heures. Le destin voulait peut-être que je rencontre mon âme sœur.
Il avance et se met à chercher une place. Je commence à enlever mes choses pour faire de la place. Un sourire aux lèvres, il croise mon regard avec un air de « il y a quelqu’un ici? ». Dans ma tête : « oui, clairement toi ». Je fais non de la tête. Il approche et vient pour s’asseoir.
Brise d’air. Odeur. Captage sensoriel par mes narines. Aujourd’hui n’est pas mon jour de chance. Aujourd’hui, mon karma du transport en commun reste inchangé. Une odeur pouvant se décrire comme le croisement de dépotoir, oignons, ail, renfermé et fond d’égouts. Bref, ça sent le yiable. Il sent le yiable.
Tout ce que j’ai en tête, c’est que j’en ai pour trois heures. Trois longues heures à me rappeler que la vie nous rappelle drôlement, une fois de plus, une leçon importante digne d’une fable d’Esope : ne pas se fier aux apparences.