Un ciel bleu de cahier à colorier
C’était une journée belle sous un soleil jaune du Sri Lanka pis un ciel bleu de cahier à colorier. Le genre de journée Sunscreen FPS 50 où tu lirais dans le journal: «Today’s forecast : mostly sunny and 99% of good feelings».
J’avais en main le nouveau livre que j’avais bummé dans un hôtel: The Alchemist. J’étais allongée comme un bacon dan’ poêle à me faire griller sous les rayons quand un gars propre de l’Europe que je connaissais un peu s’est invité sur ma chaise.
Il s’est assis à mes côtés et a commencé à me raconter de drôles d’affaires avec son accent beau des montagnes verdoyantes de l’Irlande. Je l’entendais enchaîner les syllabes les unes après les autres, sans chercher à leur donner un sens. C’est pas que j’sous-estimais le pouvoir de son vocabulaire top-notch, comprends-moi bien. Fallait seulement qu’il me laisse un peu de temps pour me calmer de son accent parfait qui me cajolait les tympans et me donnait des frissons même par une journée de FPS 50.
Quand il eut terminé sa valse de consonnes et que le silence s’est installé, il s’est allongé à côté de moi. Nos corps étaient maladroits parce qu’on avait de la misère à les faire fiter sur une même chaise sans coller notre chair beurrée de tartinade à la crème solaire. J’ai posé le livre sur le sable et j’ai fermé les yeux. J’écoutais les vagues de l’océan Indien se briser sur la côte ouest du Sri Lanka pis maudit j’me trouvais bien. J’avais plus besoin de rien tellement il faisait bon d’être au présent de l’indicatif.
Il a dû deviner que je ressentais de l’amourette pour son accent parce qu’il a pris le livre dans ses mains et a entamé The Alchemist à voix haute. J’ai gardé les yeux fermés, sa belle parlure faisait giguer les mots. Je me suis dit que si tous les romans étaient lus par sa voix, ça ferait beaucoup de bestsellers su’ les tablettes.
Il s’est arrêté pour me demander si ça me dérangeait qu’il me fasse la lecture. J’aurais pu répondre «are you crazy baby play that tone all day», mais je me suis contentée de me balancer la tête de gauche à droite, comme pour dire «nenon, c’est correct ça m’gosse pas trop tu peux continuer… whatever».
L’Irlandais me contait les mots si bien, j’en avais oublié de compter le temps. Il s’était invité dans mon après-midi comme de la coriandre sur de la soupe Tom Yum – vraiment le bienvenu j’veux dire. J’ai laissé mon esprit se prélasser à travers le ton de sa voix, sans les should’ve, would’ve ou could’ve. On a lazy sunday ensemble, en laissant tomber les promesses et les autres soirs, c’était beau sans être extraordinaire.
J’lui ai pas dit, à l’Irlandais propre, comment ça m’avait fait plaisir. Mon sourire en coin a dû lui expliquer des choses que les mots auraient eu peine à garder modestes. Si je le croise en Irlande, Guinness en bouche en tapant du pied sur des airs olé olé de guitare acoustique, peut-être que je lui dirai dans la langue de Shakespeare:
«That afternoon, on the beach. You made my day because you’ve read my book.»
C’est tout. That’s it. Rien d’autre. Nothing else.
J’ai une fascination pour les choses simples du dimanche après-midi. Et encore plus pour celles qui nous font l’effet d’une couverte sur le cœur par une journée à 38° Celsius. Tout ça, dans un monde où le soleil est jaune pis le ciel bleu comme dans un cahier à colorier.
Juste ça l’histoire.
Pas de fin heureuse.
Pas de fin triste.
Juste une fin.