La rébellion du bonheur

Hier, je faisais ma vaisselle en chantant à tue-tête – en cherchant mes tasses sales répandues un peu partout dans mon appart, je suis passée devant le miroir. Je me suis regardée de la tête aux pieds, en chantant toujours, pis après, je ne sais pas si c’est la musique qui me rendait particulièrement heureuse, mais je me suis dit, aye, j’m’aime ben!

Je me suis dit ça ben spontanément, mais quand c’est sorti (parce que je me parle toute seule, tsé) ça m’a quand même prise par surprise. Une belle surprise.

Même que je me suis arrêtée un peu plus sur la question. Je me suis dit que j’étais contente d’où j’étais rendue dans la vie, mais en y repensant franchement, je me suis aussi dit que je n’étais pas en couple pis que je n’avais pas de job. Pire encore, je suis allergique aux chats et aux produits laitiers, alors je ne peux même pas me consoler le célibat en me bourrant dans la crème glacée avec mes mille chats pour être fidèle au cliché (heureusement qu’il y a le sorbet).

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Physiquement aussi, je me suis posé la question. Je suis une fille tsé, alors c’est important le physique. Je me suis dit que je me trouvais belle, mais comme je restais devant le miroir, je me suis demandé si je me trouvais belle dans les détails aussi. Je veux dire, je suis comme tout le monde, il y a plein de petits riens qui me gossent à propos de mon apparence. Mais, d’un autre côté, ce n’est vraiment pas mon genre d’être perfectionniste pour des choses que je ne peux pas changer.

Bien sûr, si je me donnais la peine de faire un peu de sport je pourrais sans doute avoir un ventre plus plat. Le seul problème, c’est que je déteste le sport. J’en ai conclu que j’étais plus heureuse à ne pas changer mes petits défauts que si je me faisais chier à faire plein de sports dans l’espoir de devenir quelqu’un que je ne suis pas.

Peut-être que je ne suis juste vraiment pas perfectionniste.

Mais en pensant à tout ça, j’ai vu les choses qui me manquaient. Le couple pis la job (mais pas l’argent, pour l’instant). Le ventre plat. Des jambes plus longues aussi, j’imagine. Sauf que pour vrai, dans tout ce que je n’avais pas, les seules choses qui me rendaient triste pour de vrai (pis même là, triste c’est un peu exagéré), c’était les chats pis la crème glacée.

Le reste, je ne suis pas convaincue d’en vouloir tant que ça. Je le veux par principe. La société dit que c’est ça qu’il me manque. Alors je me sens un peu obligée de mentionner que ça manque à mon bonheur. Sauf que mon bonheur, au final, il s’en tape pas mal de ce que la société trouve qu’il me faudrait dans la vie. Mon bonheur, c’est un rebelle, il veut ce qu’il veut pis c’est tout.

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Pourquoi je partage ça? 

Parce que je trouve que c’est important de pouvoir dire qu’on s’aime. De nos jours, on passe tellement de temps à critiquer tout le monde, à dire que les filles ne sont jamais assez minces pis les gars pas assez musclés, à banaliser les troubles alimentaires pis à même pas encore réaliser que ça peut devenir un problème, une fréquentation excessive au gym… On a beau trouver ça cave, entre nous, mais on finit toujours par sentir qu’on n’est pas assez. Les complexes sont à la mode.

C’est à la mode de pas s’aimer.

C’est normal. On est tellement bombardé de messages contradictoires que c’est dur en maudit de se retrouver dans tout ça. On essaie d’être une chose et son contraire. Ça ne marche pas. On se déteste. Tout le monde nous comprend.

C’est tellement banal pis courant de ne pas s’aimer que je me suis presque sentie coupable, une petite seconde, de m’aimer. Comme si c’était un secret honteux qu’il ne fallait pas que les autres le sachent. Comme si c’était être trop imbu de soi-même, que de s’accepter.

Merde, ça va tu si mal dans l’monde pour qu’on en arrive là?

L’hiver dernier, j’ai rencontré une fille qui avait des gros problèmes avec son corps. Elle se trouvait vraiment moche et ça l’obsédait, et pourtant elle était super belle. Le problème avait empiré quand elle était devenue la coloc d’une mannequin mince comme un pic qui se trouvait toujours trop grosse. Elle était tellement fabuleuse et complexée à la fois que, forcément, mon amie a fini par sentir qu’elle était pire qu’une merde, si la fille d’à côté pouvait se détester autant en étant si belle.

Une mauvaise influence au niveau de l’estime de soi.

Ben moi, j’ai le goût de faire le contraire. J’ai le goût qu’on se rappelle que c’est correct de s’aimer, pis que ce n’est pas parce qu’on est imparfait qu’on n’a pas le droit au bonheur. Des défauts, j’en ai un paquet, physiquement pis mentalement. Je le sais tout ça. Mais quand je dis que je m’aime, c’est que j’accepte que, de toute façon, je ne serai jamais parfaite, pis que même s’il me reste du chemin à faire dans la vie pour être une meilleure personne pis tout le tralala, où je suis en ce moment, c’est pas mal le meilleur endroit où je pourrais être. Tant que je n’arrête pas de progresser, je vais être satisfaite.

Je trouve les gens beaux autour de moi. Des merveilles de contradictions pis de subtilités, comme une belle bordure tellement raffinée et complexe que les petits défauts ici et là finissent par passer dans le beurre, tellement il y a de choses pour nos yeux à admirer.

Source: bhor.org/gallery/aipen-2015/

Source: bhor.org/gallery/aipen-2015/

Est-ce qu’on pourrait arrêter de regarder sa petite fioriture ratée pour voir à quel point l’ensemble est génial? J’aimerais vraiment ça qu’on parle plus souvent à quel point on s’aime ben, au fond.

Est-ce que ça vous tente? À go, on partage notre amour de nous-mêmes, on essaie de devenir des bonnes influences pour l’estime des gens qui nous entourent. Tsé, on fait ça d’une façon cool, rien dans le genre haha je m’aime pis pas toi, juste un truc comme, eh, j’ai arrêté de m’en faire avec un paquet de cochonneries pis c’est vraiment l’fun, sérieux. Présenter l’amour de soi comme quelque chose d’accessible, quelque chose qui donne le goût. 

Ouais? OK? GO!

Par Valérie JB
Collaboratrice spontanée

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