L’amour, ça court vite!
On jouait à la tague depuis une bonne demi-heure avec les amis du quartier.
Pis là il se faisait tard. Pis comme j’étais la plus jeune d’entre eux, j’étais bien évidemment celle qui devait entrer le plus tôt. Je n’avais pas réellement d’heure précise pour couvre-feu, mais lorsque mon père flashait les lumières extérieures; c’était le moment. Pis pas question que je m’obstine.
Je rentrais toujours sans avoir rattrapé le voisin. Il courait vite lui, pis c’est lui que je voulais attraper. Pas un autre, pas sa sœur et encore moins ma meilleure amie du moment… C’était juste lui, parce qu’il me plaisait le voisin plus vieux de deux ans. C’était le bad boy de notre rue. Celui que tous les pères détestent et dont toutes les mamans trouvent si charmant.
Mon père ne l’aimait pas. Pis curieusement, les lumières flashaient toujours quand j’étais près d’y toucher pis d’arriver à lui refiler la tague. Chaque fois, j’rentrais avec le sourire aux lèvres en me disant que demain soir j’allais réussir.
Pis je n’ai jamais réussi. Il courrait vite, lui. Après 3 soirs, j’ai abandonné.
Pis aujourd’hui, le flash des lumières n’est plus. Le couvre-feu a disparu, mais je rentre toujours chaque soir à la maison avec l’espoir de l’attraper; d’enfin attraper l’amour.
Mais l’amour, ça court vite.
Depuis deux ans que je cours, que je cours après l’amour, qu’on joue à la tague lui et moi, mais j’ai compris que l’amour ça court vite quand la vie décide que tu n’es pas prête à l’avoir.
J’me suis pitchée à gauche et à droite, j’ai pris plusieurs détours en passant rattraper l’amour. J’ai couru tellement longtemps avant de réaliser que je courais dans la mauvaise direction. J’me suis essoufflée, j’ai trébuché, je me suis écorchée, je me suis perdue en cours de route parce que quand on la veut l’amour, on peut aller loin pour y arriver… J’ai été très près de l’attraper une fois, je l’ai effleuré, mais j’me suis fait avoir; plus je courrais vite vers l’amour plus il prenait de la vitesse jusqu’à ce que l’écart entre lui et moi soit trop grand.
C’est là que j’ai abandonné. J’ai rebroussé chemin pis j’ai décidé que c’était assez le p’tit jeu de gamin. On s’écœure de jouer à ça. Quand t’es jeune, trois soirées suffit pour te tanner, rendu adulte ça l’air que c’est deux ans avant de te blaser. Du moins, pour ma part.
Pis c’est sur le chemin du retour, sur le pavé de la honte collé au cœur, en me disant que je ne courrais pas assez vite, que je n’avais pas assez de bons battements de cœur pis que j’avais pas les qualités de guerrière requises pour attraper l’amour qu’il a surgi de nulle part.
Ce n’était pas une entrée remarquée. C’était plutôt le genre d’entrée par la porte de sortie, façon subtilité. Je n’ai même pas eu le temps de voir l’amour se faufiler près de moi qu’il était là planté devant moi.
L’amour marchait vers moi, mais sans finalement me fuir cette fois. L’amour, c’est lui; lui pis son charisme. Lui pis son accent qui me donne des frissons. Lui pis son articulation qui lui fait faux bond. Lui pis ses expressions à la con.
L’amour ça court vite… mais enfin, cette fois, il est dans mon petit cœur!