Migrer
Elle : S’tu fais aujourd’hui?
Moi : J’vais dans l’boutte de Trois-Rivières. Voir les oies.
Elle : Les oies?
Moi : Ouin, elles sont des milliers. Ça l’air que c’est beau. Tu veux v’nir?
Elle : Bof… Faire 1h30 de char pour des oiseaux.
Moi : Comme tu veux…
Elle a tout manqué.
Y’étaient au moins 200 000. Je n’ai pas compté, j’aurais perdu le fil. En tous cas, y’en avait beaucoup.
Pis moi, j’trouvais ça beau.
C’tannée elles sont arrivées quelques semaines en retard. Mais, c’pas de leur faute. Dame Nature était trop occupée à nous faire subir l’hiver. Sauf, que le printemps ben ça skip jamais son tour. Et y’a fini par se pointer.
Comme les oies.
Ça me fait espérer que mon printemps aussi il est juste un peu en retard, qu’il se fait craintif. C’est pour ça que ma migration n’est pas achevée, qu’elle est juste amorcée. Et j’me dis que j’dois pas être la seule, il doit bien en avoir 199 999 autres dans même situation que moi.
Mais nous, c’est différent. Notre périple, il dure toute une vie. Et y’a personne pour nous relayer. Alors quand il vente ben ben fort sur ma route, c’est juste moi que ça freine.
De toute façon, ma formation elle n’est pas aussi on point que les oies. Elle manque d’aérodynamisme. Mettons qu’elle ressemble plus à l’ensemble de l’alphabet qu’à un V. Et lorsque t’es pas à vol d’oiseau, y’en a des détours à prendre. Il faut toujours bien les marcher ces maudits kilomètres-là. Et dans 2 pieds de neige, c’pas évident.
Sauf que j’y crois que les tempêtes dans mon hiver vont bientôt cesser. Qu’un matin, il va y avoir un petit redoux, que ma gadoue va enfin fondre. Alors oui, ces 200 000 oies ce matin à Baie du Febvre m’ont fait espérer : mon printemps à moi, il est timide.
Et bientôt, je pourrai ranger mon «canada goose ».
Par La Naïade
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