Quand les adieux ont l’imagination fertile

Je pense encore à toi, souvent. Je pense à toi beaucoup plus souvent que ce que je voudrais. Mais ne t’inquiète pas. Je ne suis pas obsessive, je ne vais rien faire de fou et je vais finir par passer à autre chose. C’est plus difficile que prévu, c’est tout.

C’est difficile parce que j’ai l’imagination fertile. C’est difficile parce qu’il y avait un contexte particulier entre nous deux, quelque chose qui aidait mon imagination à s’emballer. Et puis tu l’as aidée aussi, on fera pas semblant que je me suis montée un bateau toute seule. Pendant un certain temps, ton imagination a joué le jeu aussi, on s’est créé un monde comme un château de cartes, en faisant semblant que c’était juste pour rire, comme pour tuer le temps dans un party où on ne connait personne. N’empêche que ça fait chier quand même, quand quelqu’un bouscule la table et que toutes les cartes tombent face dans la bière. Pis moi je suis là comme une conne à essayer d’essuyer les cartes contre mon chandail alors que mon chateau n’intéresse déjà plus personne.

Source: pipelineobserver.ca

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Pour moi, les adieux ça se fait en deux parties : la plus spontanée, c’est de dire au revoir à tout ce que tu as vécu avec l’autre. C’est pas facile, mais des fois c’est pas si pire, quand les adieux viennent trop vite t’as pas le choix de reconnaître qu’il y avait pas grand chose de toute façon. Très peu d’instants mémorables, quelques autres moments qui n’avaient rien de spécial, mais qui soudainement deviennent très précieux, et puis voilà il est temps de tourner la page. Il n’y a pas de quoi s’accrocher.

La deuxième partie est la plus difficile pour moi, elle est sans doute la plus difficile pour tous ceux qui ont trop d’imagination. C’est celle où l’on doit dire adieu à tout ce qui aurait pu être. Tout ce qu’on aurait pu vivre, tout ce qui n’avait pas encore été décidé, tout ce qui était possible, il n’y a pas si longtemps.

Ce n’est pas que j’avais des plans précis en tête pour nous deux, loin de là. En fait, je crois que si on avait eu le temps de faire des plans, ça aurait été plus facile. J’aurais dit adieu à un nombre précis et défini de possibilités. Mais il n’y avait pas de plan. Et moi, parce que je suis très naïve, j’avais gardé l’impression que tout était possible. Qu’on verrait plus tard, qu’éventuellement les choses se préciseraient. En attendant, tout se pouvait encore.

Et dire adieu à toutes ces possibilités-là, c’est vraiment long.

C’est vraiment long parce que des possibilités il y en avaient beaucoup. Il y avait des rêves épiques de voyage à l’autre bout du monde bien sûr, mais il y avait aussi l’idée d’une tasse de thé et d’un jeu de société, ou de draps défaits et d’un débat sur les pour et les contre de posséder un requin domestique. Tu sais, ce genre de conneries. N’importe quoi. Tout ce qui aurait pu arriver. Des moments doux en silence tout comme des grandes beuveries à déranger les voisins. Des messages cochons pendant que t’es au travail et des lettres plus romantiques aussi, des fois. Et encore des voyages, parce que je crois qu’on aurait été des bons compagnons de route. Il faut que je dise adieu à tout ça.

C’est long et difficile.

Alors oui, je pense encore trop souvent à toi. Pis je t’en veux un peu d’avoir décidé pour nous deux de ce qui était possible et surtout de ce qui ne l’était pas. J’en veux à ton imagination d’être partie jouer ailleurs.

Pendant ce temps-là, mon chandail sent la bière à force d’essuyer des cartes mouillées dessus. Je sais bien que je ne pourrai plus jamais faire de château avec, mais c’était un paquet de cartes que j’aimais bien, alors j’ai du mal à l’abandonner dans les débris d’un party qui a duré trop longtemps.

Source: thecollegecrush.com

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Par Valérie JB
Collaboratrice spontanée

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