Au pire, y’a sûrement du bonheur qui traîne dans une boîte d’objets perdus

C’est plus facile d’être blasé du bonheur par choix que parce qu’il nous a quitté sans nous avoir donné notre 4%. C’est pour ça que je déteste beaucoup de choses chez lui.

Des choses qui n’ont aucun rapport avec lui. Des choses qui ont à voir avec comment il fait brûler mes cicatrices qui ne tiennent qu’à un fil, comment j’ai littéralement l’impression des fois que le chest va me sauter quand il me jase d’amour. Des choses qui ont à voir avec comment tout ce qu’il est devrait pouvoir se rentrer dans un tube de Polysporin pis être disponible en vente libre, parce que personne ne devrait se retenir de jaser d’amour juste par peur de gratter une gale jusqu’à ce que ça pisse le sang comme à l’écorchure. Je déteste toutes les choses qui ont à voir avec comment il me fout la chienne. Parce qu’il me réconforte tellement en même temps.

Je suis sûre de moi d’habitude. Mais là, je suis en no man’s land. Territoire inconnu. La lune avant 1969. Mon assurance, la seule affaire qui pourrait un peu m’indiquer le point de départ sur la map des possibilités, a quitté mes gestes.

Mais en même temps, je ne feel pas perdue pentoute. Je suis drette où je devrais être. Dans ses bras, j’me sens comme quand j’entre dans ma vieille chambre chez mes parents. C’est réconfortant, j’me sens chez moi. Chez moi pis partout en même temps. Je déteste la chaleur de ses bras, le fait que j’ai toujours envie d’y retourner parce que anyways parait-il que la plus belle partie d’un voyage, c’est le retour à la maison t’sais. Et lui, c’est comme le voyage pis la maison en même temps. De toutes les places de ce vaste monde, ses bras sont mon endroit pref’. Je déteste me sentir safe à ce point-là avec lui. Comme si tout s’étendait jusqu’au bout du monde, que tout était possible. Parce que je détesterais qu’on turn off la switch de mon horizon infini en pleine contemplation. Le coup sur la gueule serait trop fort pis j’pas sûre d’être capable de me relever d’un tel chaos comme les dudes des films d’action qui se battent encore après 2 balles dans le dos, 5 claques en pleine face et 3 chutes de 20 pieds. (Fuck off l’argumentaire de l’efficacité de l’adrénaline.)

Je déteste avoir perdu le contrôle. Que quelque part entre des fous rires, de p’tites chicanes connes parce qu’on s’est mal compris, du sexe, des regardages dans les yeux sans le besoin de dire un mot, d’écritures de bucket lists parce qu’on ambitionne les mêmes choses dans la vie, de conversation philosophiques et très sarcastiques sur comment nous autres on runnerait le monde, bref, j’ai peur que quelque part entre tous ces apprentissages par coeur de corps et d’âmes, l’envie de rester m’ait pognée. J’ai perdu le contrôle, en très peu de temps je suis tombée amoureuse de lui, sans m’en trop rendre compte, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde. Pis c’est con, parce que je me relis pis je me dis que j’aurais donc dû le voir venir, t’sais. J’ai fait de la dyslexie volontaire devant le mot évidence.

Je déteste avoir maintenant quelque chose à perdre. Je suis maladroite, mes mains virent moites rapidement et tout me glisse entre les doigts pour aller s’éclater en 2358 morceaux sur le sol pis souvent mon cœur suit la même chorégraphie dans les 30 secondes qui suivent. Pis ça, le nous, c’est trop précieux pour le laisser entre mes mains moites maladroites. Il y a une séparation claire dans la ligne du temps de mes paumes au moment où on s’est rencontrés. Pis je déteste avoir viscéralement la chienne de devoir retourner vivre à l’époque d’avant. Ce serait comme enlever l’électricité à la modernité. Je détesterais retourner dans le noir, en fait j’ai ben trop peur de retourner dans le noir.

Même si j’pense que c’est normal d’avoir peur d’aimer, des fois. Parce que l’amour, c’est pas concret, c’est pas littéral. Tu ne peux pas l’identifier, le nommer, le toucher, le sentir, le voir. C’est pas rassurant par sa redondance ou reconnu pour sa stabilité. Aimer, c’est la patente la plus abstraite qui soit. Il n’y a pas de manuel d’instructions parce que même si y’en avait un, il serait pire que le plan d’une étagère IKEA. Fa’que, c’est normal de ne pas trop savoir comment faire dans les p’tits débuts de presque-couple, je pense. Mais là, j’ai peur de ne pas l’aimer comme du monde, comme il faut. De ne pas être assez. Pis je déteste ça, me sentir complexée. Comme vaincue d’avance.

Mais un matin où j’pensais y faire l’amour une dernière fois avant de me rhabiller les pieds de mes souliers de course pour m’enfuir très vite, le plus loin possible de cette peur-là que j’détestais, il a mis son index sur les lèvres de mon overthink pour me faire entendre la simplicité du silence un peu. Il m’a convaincue de revenir sur mes pas quand j’avais décidé de lui tourner le dos par chienne d’embrasser notre histoire à pleine bouche. Il savait bien que je me pousserais au cas où après, j’l’aurais tellement dans le ventre, dans les tripes  –  notre histoire  –  que ça laisserait un béant trou noir malin aspirant tout ce qu’y a de vital dans mon corps une fois que le mot FIN se pointerait en gros caractères avec une typo laide. Il m’a convaincue de redécorer le dedans de mon ventre à mon goût pis de manière douillette parce que notre histoire allait y loger pour un esti de long bout de temps encore, donc si j’avais à avoir peur, c’était mieux que j’aie peur avec lui et non de lui, loin de lui. Parce que notre histoire est déjà pis va être ben belle, et même si je le savais déjà, que la rumeur se chuchotait en écho dans nos corps, c’était la seule chose que j’avais besoin pour confirmer qu’on en valait la peine. Fa’que je me suis mise à parler de vive voix, parce que je me suis sentie en confiance, assez sûre de moi et de surtout de nous, de ma capacité à l’aimer avec tout ce que j’ai, comme il le mérite, pour l’écrire avec lui cette histoire-là.

En fait, je détestais plutôt beaucoup de choses chez moi. Des choses qu’il a réveillées parce que j’étais pas habituée de tenir à quelqu’un, des choses avec lesquelles j’ai maintenant fait la paix, parce qu’il a calmé une haine pis une frayeur silencieuses qui m’empêchaient d’apprécier la cacophonie de nos mots d’amis-amoureux d’aujourd’hui pis de demain.

Pis j’déteste pas ça genre, le bonheur, ça goûte bon. Assez bon pour passer par-dessus la chienne de le perdre. I guess qu’au pire il y a peut-être du bonheur qui traîne quelque part dans une boîte d’objets perdus. On le retrouve toujours, t’sais.

 

Par Karine CA
Collaboratrice spontanée

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