Menteurs (Partie 2)

(Pour lire sur les menteurs, c’est ici.)

Ses mensonges étaient chics, calculés. Elle prévoyait d’avance 2-3 de mes questions en ayant toujours la réponse parfaite, sans hésitation. Le genre de réponse qui te laisse perplexe, qui te fait sentir épais d’avoir posé la question, épais d’avoir eu un doute. Jamais de trémolo ou de laps dans sa voix, elle savait où elle s’en allait. On voyait qu’elle avait vendu des jeans à quelque part dans son cv. Clairement, elle savait comment me faire croire ce que j’avais le goût d’entendre.

Ça faisait un bout de temps qu’elle l’avait remarqué au travail. Il lui souriait tout le temps, la complimentait sur son habillement quand son chum ne remarquait plus les efforts qu’elle faisait pour le séduire. C’était innocent au début, juste un ami. Mais c’était vite devenu la première personne à qui elle pensait en se réveillant, celui qui arrivait à la faire sourire à son cellulaire.

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Évidemment, ses amies étaient toutes au courant. Du moins, celles en qui elle avait une confiance absolue. Les amies avec qui elle avait partagé bien pire pis qu’elle avait souvent backé dans ce genre d’histoire sans issue. Ce qui différencie les mensonges féminins des mensonges masculins, c’est d’abord et avant tout la mise en scène. Tout y est méticuleusement planifié, du nom « Julie Tremblay » apparaissant nouvellement dans ses textos aux « sorties avec Marie-Pier » au sujet desquelles même Marie-Pier savait quoi dire en cas de questionnement. Il faut toujours creuser très profond avec un mensonge féminin parce que jamais une fille n’offrira gracieusement des indices, ce n’est que lorsqu’elle sera très profondément dans la merde et qu’elle atteindra le point de non-retour qu’elle commettra des erreurs coûteuses qui finiront par la démasquer. Mais, encore faut-il se rappeler qu’elle risque d’emporter son secret dans la tombe, le cœur un petit peu moins léger et la fierté en ayant pris un coup.

Les menteurs n’ont pas tous le même profil, seulement le même motif : fuir les conséquences de leurs actes. C’est lâche, certes. Mais en y pensant bien, est-ce qu’on n’a pas inventé la nécessité de mentir? Le besoin de la perfection absolue qui fait jamais de peine, qui nous transperce jamais le corps de tout son froid n’a-t-il pas entraîné le besoin de réconforter par un mensonge? Du genre qui permet à l’autre de respirer un peu pis de pas se poser la question qui fait mal le temps que ça passe, le temps qu’il soit trop tard pour exiger des explications? On a beau s’élever contre le principe même du mensonge en criant à la trahison, y’aura toujours cette fois où, même en sachant la vérité vraie, t’encaisses le mensonge comme un chocolat chaud épicé. Parce que tu l’attendais, parce qu’il te fait du bien.

Par Chanel Garceau
Collaborateur spontané

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