Sommes-nous tous dépendants?
Peut-être qu’on est coincé avec cette personne-là dans notre vie, genre un membre de la famille, et qu’on juge beaucoup, ou alors peut-être que c’est un ami pour lequel on se fait du sang d’encre.
Souvent, c’est un problème de consommation d’alcool, parce que c’est lui le plus populaire, du moins le plus accepté. Après tout, c’est commun d’aller prendre une bière entre collègues de travail. La banalisation peut laisser place à plus d’excès. On connaît un alcoolique et on ne s’en rend peut-être même pas compte.
Mais c’est peut-être aussi une personne dans tes cours qui vient toujours juste de fumer un joint. Ou un ami qui prend de la coke «de temps en temps» un peu trop souvent.
Et là, c’est normal de se faire du souci pour les gens qu’on aime. Malheureusement, notre façon de montrer notre amour et notre support peut parfois mal passer, et je ne crois pas qu’on puisse simplement rejeter ça sur le dos des accros qui ne sont pas prêts à reconnaître qu’ils ont un problème: notre approche sur le sujet est souvent malhabile.
En fait, malgré toute notre bonne volonté, on projette un message clair: tu as une dépendance, pas moi. Je suis la personne forte de nous deux donc tu dois m’écouter.
Mais quel mensonge! Qui n’a pas de dépendances, réellement? On se calme, ne lancez pas la première pierre tout de suite. D’accord, votre relation avec l’alcool et la drogue se passe bien. Oui, c’est un bon début. Mais la drogue et l’alcool ne sont pas les seules dépendances qui existent!
Déjà, la cigarette est une dépendance très répandue. Puis il y a les workaholics. On a tous un ami qui travaille trois jobs en même temps pendant l’été et deux en hiver, en plus de ses cours à temps plein. Ou des amis dépendants affectifs. Le genre de personne qui n’a pas de problèmes quand elle est en couple parce qu’on appelle ça «l’amour», mais que quand ça pète rien ne va plus pendant deux semaines, le temps de trouver un remplaçant.
Et le pire c’est qu’on valorise tellement le couple en tant que société que ça va trouver moyen de te regarder de haut après parce que cette même personne-là se sent tellement accomplie dans son amour et que toi t’as l’air terne avec ton maudit célibat.
Puis il y a les dépendances qu’on ne reconnaît même pas comme telles: la pire, selon moi, c’est la télévision. Combien de personnes dans notre entourage vont être complètement à fond dans une série télé jusqu’à ce qu’ils aillent écouté tous les épisodes?
Le genre de personnes qui tout à coup annule vraiment souvent vos plans à la dernière minute, sous prétexte qu’il est un peu fatigué, qu’il pleut ou qu’il se lève tôt demain? Allons, le mensonge est clair: face à la vraie vie qui manque parfois de rebondissements inattendus, la série télé semble tout à coup bien plus intéressante qu’un vieil ami. Mais se couper des gens qu’on aime pour se consacrer davantage à la «substance» en question, n’est-ce pas là un des premiers signes de dépendance?
Et ne venez pas me dire que la télévision ne compte pas parce que la dépendance n’est pas physique. D’accord, elle l’est dans le cas de l’alcool, la drogue ou la cigarette, mais pas chez les gamblers . Nous sommes pourtant tous d’accord qu’il s’agit bel et bien d’une dépendance.
Vous vous sentez toujours prêts à me lancer une roche dans la face? Grand bien vous fasse, mais la liste peut être encore longue: les jeux vidéos, le café ou les boissons énergétiques, la pornographie, la gomme à mâcher (oui oui, j’ai connu quelqu’un qui en mâchait tant que ça a fini par fucker le taux d’acidité de son estomac et elle était absolument incapable arrêter d’un coup, ça lui a pris des mois à réduire sa consommation graduellement), le sexe compulsif, le maquillage, les gadgets électroniques toujours plus récents, peu importe.
Je ne dis pas que toutes ces dépendances s’équivalent, ni qu’elles se vivent toutes à un même niveau d’intensité. Il y a, bien entendu, une différence énorme entre un héroïnomane et la fille qui ne peut pas sortir de chez elle sans son maquillage. Ce n’est pas qu’une question de normes sociales, je sais.
Tout ce que je veux dire, c’est qu’au final, la vie est difficile pour tout le monde, par moments. Et on a tous nos façons plus ou moins saines de dealer avec la merde qui nous tombe dessus.
Alors quand vient le temps d’aider quelqu’un avec un fort problème de dépendance, ce serait bien de montrer plus de compassion et de ne pas juger ce qu’on ne peut pas comprendre. Après tout, nous savons tous ce que c’est que d’avoir des phases plus compulsives.
Peut-être qu’au final, notre jugement ne sert qu’à préserver la frontière entre nos petites dépendances et un problème sérieux? Est-ce qu’on oublie notre compassion pour ne pas se rappeler à quel point la ligne est mince, à quel point ça pourrait nous arriver à nous aussi?
Vous pouvez crier non tant que vous voulez, mais je ne crois vraiment pas qu’il y ait de première pierre à jeter.
Par Valérie JB
Collaboratrice spontanée
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