J’ai parfois peur de porter mes robes d’été à cause de tes catcalls

L’été vient à peine de commencer. Comme chaque année, j’ai sorti toutes mes robes et je les ai mises bien en évidence dans ma garde-robe, devant mes t-shirts de band. J’attends l’été comme un enfant attend le père Noël le 24 décembre. Je suis même passée à la pharmacie acheter de la crème solaire à 30 piasses le tube pour pas virer comme un homard. Écoute, me manque juste un chapeau surdimensionné et une maison sur le bord de la beach.

Robes

Priscilla Du Preez | Unsplash

J’enfile ma robe bleue, celle dont le décolleté est un peu plus plongeant, mais rien d’outrageux, sinon ma grand-mère me l’aurait dit. Fait chaud, fait beau et c’est le weekend de mon anniversaire. On a le droit de tout faire le weekend de son anniversaire: tout le monde sait ça, c’est une règle universelle. Je la mets, mais je suis un peu mal à l’aise. Je sais pas pourquoi.

Je demande donc à mes amies si c’est ok. J’avais une date, après tout. Elles me confirment que je suis belle et élégante. Une de mes bonnes amies écrit même «belle» en Caps Lock, je me dis donc que c’est alright. Je peux sortir de chez moi en écoutant la chanson Confidence de Candi Staton dans le tapis.

Tout se passe bien, du moins jusqu’à mon retour à la maison où je me fais catcaller. Si t’as jamais entendu parler de ça, un catcall, c’est quand quelqu’un te siffle ou te crie des choses souvent suggestives dans la rue pour avoir ton attention. C’est évidemment zéro flatteur: ça donne pas envie d’aller voir la personne et de lui sauter dans les bras pour la frencher, loin de là.

Sur le coup, j’accuse automatiquement ma robe, et donc moi. Mais dans les faits, le vrai coupable dans l’histoire, c’est ni le morceau de tissu ni mon corps, c’est clairement le monsieur qui m’a catcallée!

Robe

Tamara Bellis | Unsplash

Le surlendemain, j’ai encore droit à des catcalls, mais cette fois-ci, par 5 gars (oh yeah, y’a un rabais sur les c**** aujourd’hui!) à un endroit totalement différent, soit à Longueuil. J’ai troqué la robe pour une paire de jeans et une veste beaucoup trop grande pour moi parce que Dame Nature fait encore des siennes. Je repense à ma petite robe et au malaise que j’avais en la portant, mais aussi, à comment je me suis sentie honteuse.

Cette histoire-là est quasiment banale tellement il y a de gens qui sont victimes d’agressions au Québec (genre 1 femme sur 3 va être victime d’une agression sexuelle avant l’âge de 16 ans et 1 homme sur 6 va l’être au cours de sa vie selon le RQCALACS). Pendant que j’écris ce texte, ma soeur me texte justement qu’un gars l’a suivie jusqu’à son arrêt d’autobus en auto, en plein après-midi à Québec. Je me sens assez impuissante assise sur mon balcon, à Montréal. Elle me dit: «C’est l’été, faut que les filles fassent attention».

Robe

Giulia Bertelli | Unsplash

 

J’ai malheureusement l’impression qu’on doit faire attention en tout temps, à toute heure du jour. Le #metoo, c’était pas un trend sur les réseaux sociaux, c’est une nécessité ainsi qu’une réalité qu’on doit continuer à dénoncer au jour le jour, peu importe la nature du harcèlement. C’est pas normal d’avoir peur de porter sa petite robe d’été quand le mercure tape les 30 degrés Celsius…


Crédit photo couverture: Giulia Bertelli | Unsplash