«C’est pas ma faute.»
C’est mardi.
Je déteste les mardis.
Je suis une lève-tard et depuis que j’ai commencé la job à temps plein, je dois me lever à 6h45 tous les matins. Sérieusement, si l’horaire pouvait être flexible, je serais plus productive, mettons de 11 à 19h, ce serait PAR-FAIT. En plus, j’aurais pas à prendre le métro à l’heure de pointe. J’ose pas demander non plus, ça fait seulement quelques mois que je suis là, je dois encore faire mes preuves.
Ça me prend à peu près 3 cafés avant d’être vraiment réveillée, donc j’en prends 2 chez moi et un au travail. Mais parlez-moi pas avant que j’aie fini mon 3e, sinon watch out l’air bête. Je fonctionne vraiment au ralenti, je suis pas capable de réfléchir. Mes collègues sont prévenus, ils en rient avec moi. Dans le fond, je suis une chialeuse assumée. Tant que les autres le savent, ça va vraiment bien et je dirais même que ça ajoute à mon charme!
Bref, c’est mardi, je suis en train de boire mon 3e café et je regarde le site web de La Presse pour voir ce qui se passe dans l’actualité quand ma collègue J. arrive. Elle me tape sur les nerfs à un niveau olympique. Toujours en train de parler, de ne pas se mêler de ses affaires, de venir mettre le nez par-dessus mes dossiers et de me dire à quel point ce serait mieux comme ci, comme ça. Pas capable. Ce matin, elle me raconte à quel point sa soirée de la veille était parfaite avec son chum parfait dans sa vie parfaite. De toute façon, on sait bien que c’est plus facile d’avoir une vie parfaite avec le salaire qu’elle fait, qui doit être minimum le double du mien.
C’est au tour de mon boss d’arriver. Toujours sur le rush, au téléphone en rentrant, il me fait un signe de tête avant de s’enfermer dans son bureau. La semaine dernière, il m’a fait un reproche qui était trop pas fondé (mais je l’expliquerai pas, parce que c’est trop long). Je l’ai un peu mal pris intérieurement, parce qu’il est tellement toujours occupé, comment peut-il savoir si je fais quelque chose de bien ou de mal? Je l’ai encore un peu sur le coeur, mais tant qu’il me fout la paix la majeure partie du temps, ça me va. Évidemment, les fois où il a besoin de moi, ça presse pis vite pis c’est dû il y a une heure. Ça m’exaspère, c’est pas ma faute si tu viens me voir quand ton truc est dû à la dernière minute. Mais bon hein, c’est «ma job» de lui obéir.
Un jour, j’aurai ma propre entreprise parce que maudit que j’aime pas ça avoir un boss.
Ma routine du matin est assez établie, je prends mes courriels, dispatch les dossiers, réponds au téléphone, etc. Je dois juste un peu me cacher avec mon cell parce qu’on a une sorte de règle interne comme quoi les trucs perso doivent être relégués au diner ou quand on prend une pause. Mais tsé, si un jour j’ai une urgence là, si j’ai pas mon téléphone à côté de moi il va se passer quoi? Je le garde toujours sur moi, too bad.
Le midi, c’est la partie la plus l’fun de la journée. On mange tout le monde ensemble (même si J. continue à m’exaspérer avec ses histoires insignifiantes) et ça potine. L’affaire, c’est juste qu’on finit toujours par dériver et parler de job; coudonc, on peut-tu parler d’autre chose des fois? Au moins, ça nous arrive de dépasser un peu l’heure convenue et personne dit rien, moi je suis le rythme des autres. C’est pas vrai que je vais retourner travailler alors que les autres relaxent encore!
L’après-midi commence toujours difficilement, parce que je digère. Je vais plus lentement, je l’avoue, parfois je prends pas les messages tout de suite et je vais regarder un peu ce qui se passe sur Twitter avant de replonger dans les courriels. C’est fou la quantité que je reçois tous les jours. J’ai encore de la difficulté à m’organiser là-dedans. Je pense que, dans le fond, je suis pas faite pour ce genre de job méthodique. Je me vois plus dans une place funky, bohème, où il y a moins de règles, où c’est plus souple. Je sais depuis longtemps que c’est mon but ultime en termes d’environnement de travail, mais je dois avoir plus d’expérience avant. Donc j’endure. J’endure le boss stressé. J’endure la collègue chiante. Un jour, un jour…
Vers 16h50, le temps commence vraiment à être long. J’ai une dizaine de courriels qui entrent, mais il est trop tard pour les traiter; je ferai ça demain. Je prends tout mon temps pour commencer à ranger mon bureau, histoire de pouvoir mettre mon manteau et mettre le pied à l’extérieur de la porte à 17h pile. Mais aujourd’hui tout d’un coup, mon boss sort de son bureau et me demande de venir le voir. Sérieux? Il va pas me demander de faire un truc urgent à 10 min avant la fin de la journée quand même?
Je suis vraiment fâchée. Ça a pris 8 minutes pour me faire dire que suite à une réflexion sur ma manière de travailler, on met fin à mon emploi. Je suis «pas motivée», je suis «pas assez impliquée» dans mon travail. Je sais bien, vu que c’est pas ma passion. Donne-moi de quoi d’amusant à faire pis tu vas voir que mon attitude va changer. Il a évoqué que je devrais faire un peu d’introspection. On me donne deux semaines d’avis. J’ai dit non merci, je ne remettrai pas les pieds ici.
Retour à la case zéro. Pas de job, je ne suis plus aux études et je dois recommencer la recherche. C’est déjà assez difficile à trouver, comment ça se fait que je garde jamais longtemps une job?
Je suis tannée. Je vais aller me consoler en mangeant de la crème glacée devant une série télé.
Par Béatrice Leduc
Collaboratrice spontanée
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