Être une grosse râtée.
Selon les dires, je serais une grosse râtée. J’ai obtenu mon diplôme collégial de justesse pis en revenant d’un classique voyage dans l’Ouest, j’ai lâché l’université. Une championne de l’accomplissement de soi, qu’ils disent. Bon, ok, j’exagère. Personne ne m’a ouvertement traitée ‘d’échec’, mais ça se voit un peu dans les visages en forme de point d’interrogation que de discuter de mon abandon scolaire, ça rend mal à l’aise.
Je sais bien, c’est pas évident de s’imaginer réussir sans un diplôme. Les études, c’est rassurant comme une doudoune en février. C’est plus exigeant que d’écouter The Notebook, mais quand même. Y faut avouer qu’avec toute l’émotivité qui habite mon petit corps, écouter le romantisme de Ryan Gosling me prend dans les tripes. Je suis fatiguée après avoir écouter ce film-là, c’est pas croyable.
Bon, je me suis encore perdu en discutant du plus beau film d’amour au monde.
Me perdre, c’est ma plus grande qualité. Quand il est question d’être perdue, de tourner en rond, de ne plus savoir où je m’en vais dans la vie, je mériterais une standing ovation. Après beaucoup de remises en question, un voyage dans l’Ouest pour aller voir si j’y étais pis des conversations lousses sur le sens de la vie, cette année est ma première sans horaire de cours.
J’ai lâché l’université.
« Je suis une grosse râtée. »
Les premières semaines après mon choix de reléguer mon futur diplôme aux oubliettes, je disais ça de même. À la blague, un peu. Un après-midi, fin août, ma chum pis moi, on était assises sur son balcon. Elle étudie en médecine, tsé, elle s’en va quelque part. On avait du temps à rattraper, on se demandait : « Ouin, fait que, où est-ce que t’es rendue dans ta vie? ». J’ai sorti ma blague : « J’ai lâché l’université. Je suis une grosse râtée. LOL. »
Parenthèse : oui, je dis LOL à voix haute des fois, on est pas parfait.
Ma perspicacité a bien vu qu’elle me trouvait drôle.
Sauf que.
On est vraiment rapide sur l’auto-dérision, ça brise le malaise avant qu’y vienne jeter un froid dans la pièce comme notre oncle de région qui fait des jokes cochonnes un peu déplacées. C’est correct, la gang, je vais pas vous dire de devenir plates pis d’arrêter systématiquement de faire des jokes. Par contre, tant qu’à être entrain de lire des articles sur Internet, j’aimerais ça qu’on s’assoie tous autour d’une table pour jaser 30 secondes.
Si y’a une affaire que j’ai compris depuis que j’ai arrêté mes études supérieures, c’est que la façon dont on parle de nos choix a une grande influence sur la manière dont, nous-mêmes, on les perçoit. INQUIÈTE-TOI PAS, JE VAIS T’EXPLIQUER QUESSÉ JE VEUX DIRE. Psychologiquement, ça peut faire vraiment du bien au moral de simplement expliquer que je me dédie à des objectifs qui valent plus pour moi que l’université, plutôt que de simplement dire que j’ai lâché.
Souligner les bons coups, plutôt que les mauvais. C’est de la pensée positive, comme. Là, je le sais, je suis à un pamphlet près de donner des séminaires sur le bonheur pis la croissance personnelle. N’empêche que la maudite histoire niaiseuse du verre qui est mélangé parce qu’y se demande si y’est plein ou bien vide, ça s’applique ici. Voyons les choses pleines, les chums.
Parce que c’est certainement pas en se disant « j’ai pas d’études supérieurs, je suis un gros râté. LOL. » que Ryan Gosling a fini par construire un manoir à la femme qu’il aime.
Bon, c’est ça, je pleure encore.