Faire face à l’infini

Alors toi qui décides de lire ce texte en cette belle journée d’été, tu sais probablement déjà que selon toutes vraisemblances, l’univers est infini. Regarde ce ciel. Si clair. Si vaste. Si absurde. Sais-tu aussi que tu n’es qu’un amas d’énergie? Les atomes, c’est de l’énergie. C’est pas « solide », les atomes. On ne peut pas cogner sur un atome comme un cogne sur un clou. Prendre une p’tite bouchée d’atomes ou croquer dans de l’électron comme on le fait dans une pomme, ça ne fonctionne pas. Ce n’est que de l’énergie en interaction avec son environnement. On s’entend là-dessus? Tu n’es fait que d’énergie.

En d’autres mots, aussi bien dire que tu es fait de vide.

Et pourtant, tu es limité. Tu ne passes pas à travers cet arbre, ou à travers la terre sous toi. Et c’est seulement parce que t’as pas la force (motrice) de le faire. Ou, en d’autres mots, parce que t’as pas « l’énergie » pour le faire. Quelle tristesse. Si seulement le fait que tu étais vide te permettait de faire ce que tu veux, mais non; tu es limité dans ce que tu fais. Tu n’es fait que d’énergie, mais tu en manques. Misère. Si au moins tu pouvais voler. Ou tirer des lasers avec les yeux. Mais tu ne peux pas. T’es trop faible. T’es trop petit. Mais t’es aussi trop grand. Tu vois ce que je veux dire? T’as des limites. Tes propres limites. Et tu vis dans un monde illimité. Pense à ça.

Pense à ça quand tu choisiras une pomme au lieu d’une poire.
Pense à ça quand tu choisiras l’université au lieu du DEP.
Pense à ça quand tu choisiras ta robe de mariage au lieu de l’habit de moine.

Dans un monde sans limites, quelle différence feront ces petits choix insignifiants? Les possibilités sont infinies. Les choix, insignifiants. Alors, la vie l’est-elle aussi? « Oh, mais la vie, la vie… Le but dans la vie c’est d’aimer et d’être aimé », me diras-tu. « De sourire, d’être en santé, d’être altruiste, d’amener l’humanité entière vers de meilleurs lendemains, de servir le greater good, d’être heureux. » Soit. Pourquoi pas. Mais admettons… on est dans l’hypothèse… Admettons que tu décides que ta vie doit en être une de souffrance, de haine, de maladie, d’égoïsme, de crime et de malheur. Est-ce qu’elle est moins valable? Je pose la question.

Et si ta vie n’était qu’un amas de choix un peu absurdes et paradoxaux, de choix à la fois tristes et heureux, difficiles et doux, altruistes et égoïstes. Admettre l’absurdité de la vie, n’est-ce pas le premier pas vers le vrai bonheur? Tu dois choisir un chemin, mais les possibilités sont infinies. On essaie de se limiter à ce qu’on « doit » être. Moi, je dis : sois n’importe qui, sois personne, sois tout le monde. Sois un humain, sois un animal, sois vivant ou sois mort. Sois à la fois passé, présent et futur. Sois une mère, un père, un frère, une soeur et un chat. Sois la poussière de ton appartement et la terre de ton jardin. Perds-toi dans le soleil d’été et dans le ciel sans fin. Cherche-toi dans l’infini et tout prendra un sens.

Je sais, je sais. C’est très abstrait. C’est lourd. C’est ennuyant. Ça ne t’aide pas à payer ton loyer. Quand la vie t’intéresse, c’est pas le genre de chose à laquelle tu veux penser. Mais tu as quand même fait le choix de lire ce texte. Pourquoi, au fait?