La vie n’est pas toujours une suite logique
Et puis un jour ça te frappe en plein visage. À l’intérieur de ton ventre, une blessure nouvelle, un mal étrange. C’est ton plan de vie qui ne veut pas de toi, l’univers qui te rappelle encore une fois que tu n’as ta place nulle part. Quand tu sens ta confiance en l’avenir défaillir, que tu te mets à douter de toi comme jamais auparavant. En quoi est-il possible de croire alors? Quand tu engourdis ton corps jusqu’au bout de la nuit avec la seule idée de ne plus goûter, de ne plus ressentir, de ne plus être. Quand le monde devient tout à coup sombre et froid, que tu entends la petite fille à l’intérieur de toi qui fout le camp parce que tu es en train de te laisser tomber tellement fort. À 6h du matin avec toute ta solitude et ton cœur qui s’écroule, à quoi te raccrocher quand ta vie ne fait plus aucun sens?
Je suis rentrée et elle était là, seule dans sa cuisine. Toute la maison sentait le sucre à la crème. Elle coupait des légumes dans le soleil de la fin de l’après-midi, le souper était presque prêt. Elle m’a dit bonjour avec un grand sourire, je lui ai répondu en essayant de sourire à mon tour. Et puis elle m’a prise dans ses bras. J’ai ressenti comme une décharge électrique, je l’ai serré plus fort. Et j’ai pleuré. Longtemps.
Je ne pouvais pas parler, elle a continué à me tenir contre elle. Tout ce que j’avais retenu devant tout le monde jusque-là, toutes les fois où j’avais menti et affirmé aller bien, le mélange de déception et de tristesse que j’avais mis sur le dos de la fatigue pour éviter qu’on me pose trop de questions, mon sentiment d’échec, d’impasse, tout ce que j’avais enfoui très loin pour tenter de ne pas y penser, tout ça, je ne pouvais pas le retenir devant elle.
Mais sans rien dire, elle me faisait comprendre que je n’étais pas seule. Sans rien dire, elle m’a libéré du fardeau que je portais sur mes épaules et mis du soleil dans mes idées noires. Elle était présente comme personne n’aurait pu l’être, sans le savoir elle venait de me ramener à la vie. Si une force spirituelle existe vraiment alors, elle se trouvait dans la pièce avec nous ce jour-là. Dans l’amour que j’ai ressenti jusque dans mes os. Si elle existe vraiment alors elle habite assurément l’âme de ma mère.
Il suffit parfois de pleurer très fort pour arriver à évacuer ce qui pourrit à l’intérieur. Laver ses yeux pour avoir un regard différent sur les choses qui nous entourent. On pense mourir, mais après un moment on réalise qu’on a encore la force de se battre. Parce qu’après la tempête, il existe toujours une chanson pour nous ramener dans la danse. Un humain pour nous redonner espoir en la vie, même si on ne sait pas à quoi ressemblera demain. Il faut parfois arrêter de chercher un sens à tout ce qui nous arrive, arrêter de se poser des questions et vivre. Accepter de se laisser porter l’espace d’un instant. Faire un pas en arrière pour pouvoir continuer à avancer. Et laisser les étoiles nous guider vers notre but invisible.