Les 1001 visages de la réussite
Et cette réalité, ils la connaissent depuis de nombreuses années. Il y a cet adage qu’on lit de plus en plus sur Internet comme quoi les héros ne portent pas toujours une cape. Ma mère est enseignante depuis bientôt 30 ans en éducation spécialisée. Je la vois depuis toujours faire des miracles avec ses étudiants qui ont des difficultés d’apprentissage depuis leur tendre enfance. Ces professeurs, ce sont des véritables héros.
Ses étudiants sont des décrocheurs, ont des problèmes de comportement, vont de famille d’accueil en famille d’accueil et j’en passe. Souvent, de graves problèmes d’apprentissage en découlent. Et le système scolaire étant ce qu’il est, n’est pas fait pour tout le monde. Certains sont plus manuels, d’autres préfèrent apprendre par l’exemple. Chacun nécessite une attention particulière.
Mais au lieu de les envoyer tout droit vers l’aide sociale et sans diplôme, ma mère enseigne à ses élèves comment entrer sur le marché du travail. Ce programme s’appelle FPT (Formation préparatoire au travail), pour tout vous dire. Toute l’année, elle leur trouve différents stages dans différents milieux qui les intéressent pour qu’ils puissent se familiariser avec des horaires de travail, avoir un patron, travailler en équipe. Parce qu’il faut comprendre que pour ces jeunes, tout ça, c’est du nouveau. Depuis le primaire, ils manquent d’estime d’eux-mêmes parce qu’on leur a toujours dit qu’ils n’étaient pas capables. Mais plus maintenant. Pour la première fois, on leur fait confiance. On leur confie des tâches, on les encourage à se dépasser, à ne pas lâcher. Pour la première fois, on leur donne un avenir entre les mains. On leur donne le pouvoir de devenir des citoyens comme tout le monde.
Parfois, ça ne marchera pas. La job ne leur convient pas, le patron ne sait pas comment s’y prendre, bref, ça ne clique pas. Mais ce n’est pas grave. On se retrousse les manches et on recommence. Et un jour le miracle se produit. L’élève se sent valorisé dans ce qu’il fait, il réussit enfin à trouver sa place: Il aime son stage et l’employeur apprécie son travail. Et la plupart du temps dans ces cas-là, l’employeur croira en sa recrue et l’engagera dans son équipe. Et ça… Je vous jure que c’est tout un accomplissement dans la vie de l’un de ces jeunes.
Il est important de rappeler qu’il n’y a pas de sot métier. Tout le monde a sa place dans la société. Parce que pour toi, ta job étudiante ne vaut peut-être pas grand-chose, mais pour eux, c’est l’avenir qu’ils n’ont peut-être jamais pu espérer jusqu’à maintenant. Et de voir la fierté dans leur visage, de tout ce travail accompli, c’est la vraie paie des professeurs.
Dans un Québec où il y a de plus en plus de coupures, on menace bientôt de fermer certaines de ces classes. Ces classes qui, grâce aux employeurs et aux professeurs dévoués, donnent un métier, de l’estime de soi et de la fierté à tous ces jeunes qui ont bûché toute leur vie. Chaque élève demande un suivi et une aide personnalisée et c’est grâce à ces classes qu’on peut y arriver. Ce serait important de revoir certaines réalités que l’on connaît peu de notre système scolaire.
Cette année, la majorité des étudiants de ma mère termineront leur année scolaire avec un emploi. L’un sera concierge dans un CHSLD, un autre fera de la soudure et un autre sera boucher. Ils pourront bientôt voler de leurs propres ailes. Tout ça grâce au travail acharné de ces professeurs qui ont toujours cru en leurs élèves depuis le début et qui malgré les difficultés, les ont toujours encouragés à continuer. Un prof, ça ne sauve peut-être pas des vies, mais en même temps, peut-être que oui.