Les plans qui foirent
Les plans de match dans la vie, c’est rassurant. On s’imagine une belle ligne droite du point A au point B, même si on le sait ben au fond de nous qu’il va y avoir du vent, des trous, des orages, de la lave pis des cassures sur cette ligne là.
On a tous vécu des « j’vois pas le boute ». Et on passe tous au travers.
Puisqu’on deal tous avec ces épreuves de manière différente, ce n’est pas ce dont je veux vous jaser. Là, tout de suite, j’ai envie d’overthink « l’après-du-plan-qui-foire ». Car vient un moment où l’on doit lâcher prise sur ce qu’on pensait qu’il allait arriver et vivre avec ce qui se passe réellement.
Avec le temps, il est plus facile de laisser des choses derrière, plus facile de lâcher prise sur un paquet d’affaires, pas juste matérielles (je parle ici de ce qui nous grugent de l’énergie en échange de kedal, genre certaines personnes dans nos vies), dont on a jamais eu besoin excepté pour apprendre de quoi on avait vraiment besoin dans la vie. Avec le temps, on désapprend les idéaux rationnels pis on rêve de folie juste modérément parce que quelque part, on est encore un p’tit peu attaché à l’avant-tsunami qui a fait plein de noeuds dans notre belle ligne droite.
Je me demande ben de qui était constitué le comité dressant la liste des règles non écrites et des choses convenues dans la vie. Mon petit doigt a l’unanimité du reste de mon corps pour me dire qu’ils n’ont point été sélectionnés avec beaucoup de rigueur.
M’en va brasser des stéréotypes là, mais pourquoi ils ont décidés qu’on devait se sentir off quand on contourne le plan de match de 10 étapes faciles d’études-job-mariage-enfants? Pourquoi faudrait préférer un char de l’année à des poches vides vides vides devant un paysage bandant de l’Indonésie?
Pis m’en va te re-brasser les stéréotypes de l’autre bord, parce que ce genre de discours d’assoiffés d’un autre quelconque n’est plus si divergent. Pourquoi faut-il qu’on se sente mouton d’avoir des envies convenues de cette stabilité là?
Je l’ai appris sur le terrain qu’on a le droit de se planter, d’échouer, de se tromper, pis de refaire d’autres maudites mauvaises décisions. On a le droit d’écrire nos propres règles de ce que devrait être la vie. On a le droit d’essayer 239458 affaires différentes pour trouver sa petite place pour se sentir grand pis on peut prendre tout le temps qu’il nous faut pour la trouver. On peut changer d’idées, et on peut changer tout court. Toute ça, c’est ce qui fait que c’est si bon quand on met le doigt sur la bonne combinaison, quand tout se met en place.
Parce qu’anyways, les débarques, moi personnellement, ce n’est pas ce qui me fait réellement peur. Ce qui me fait feeler toute croche, c’est quand cette débarque là me fait descendre de 12 échelles sur la planche en carton de mon jeu de table de vie. Parce que j’ai été brainwashée par une peur viscérale de perdre mon temps, une peur qui me rushait à mettre un pied devant l’autre, me collant au dos un gun pour me rappeler que l’erreur ne me mènerait nulle part où j’avais prévu être. Sans même prendre le temps de voir si j’avais voulu et aimer y être.
Parce que t’sais, comme vous sûrement, moi, j’avais un plan. Indélogeable là. Un plan figé dans le ciment pour être ben certaine de ne pas mettre les pieds hors de ses trottoirs.
On a tous une prétentieuse certitude de contrôle sur quelque chose de tellement plus grand que nous autres. C’est peut-être pour ça que quand la vie nous rappelle solidement que le destin c’est plus que des lignes que l’on garde au creux de nos mains, on ne sait pas trop comment se revirer sur un dix cenne.
Mon plan, of course, a foiré.
Et j’ai passé tellement de temps à essayer de le remettre sur pied. Tellement de temps à m’essouffler afin de trouver la faille, à revirer de bord en bord les regrets, à me heurter à une réalité sur laquelle je n’avais plus aucun contrôle. Tellement trop d’énergie perdue avant de réaliser qu’on peut en construire des nouveaux et des plus beaux, des plans. Mais une si grande perte de temps (dis-je âgée d’uniquement 23 ans), encore aujourd’hui, ça me fait paniquer de l’intérieur. Aucune liste de songza bruits de baleine ne pourrait me calmer le dedans. C’est juste que je trouve la vie foutument trop courte pour faire du surplace. Pis je sais que j’ai tort. Donc j’essaie, fort fort fort. Pis ça marche, mes pulsions de control freak s’adoucissent. J’ai de nouveaux plans. Qui vont peut-être foirer. Indubitablement, en fait. Maintenant, je sais qu’on a besoin de ça, que nos plans foirent, pour se lever la tête et remarquer les autres possibilités.
Je pense qu’être heureux, c’est un choix, pas un état qui arrive après une suite de bons moves. C’est faire le choix de lâcher prise quand la réalité n’est pas ce que le passé nous avait promis. Parce que le futur nous promet peut-être mieux.
C’est une question d’attitude. C’est embrasser la bipolarité du destin pis surfer sur les plans b et c et d et x et y et z. Parce qu’au final à la fin de la journée, tout ce qu’on aura contrôlé, c’est d’avoir fait de notre mieux.
C’est un choix que tu dois faire chaque matin. Faut du courage pour faire un move vers ce choix là, du bonheur. Ce move là est courageux même s’il paraît poche, car il est initialement forcé par un échec, qui anyways à la ligne d’arrivée aura été plus formateur humainement parlant qu’un check de plus sur la liste vers devenir des adultes. Des plans, ça foirent. L’important c’est que toi tu tiennes le coup, t’sais.
Par Karine CA
Collaboratrice spontanée