Mon burnout programmé
Je suis la fille que tu détestais probablement au primaire.
Celle qui n’étudiait pas et avait une moyenne de 102% – parce qu’il y avait toujours une petite question bonus aux tests de la semaine. Celle qui avait tous les professeurs dans sa poche après trois semaines, quand ils comprenaient qu’il n’y avait aucune trace de nonchalance dans le rejet de l’étude, juste un ennui profond qui ne se traduisait pas du tout par un excès d’arrogance, mais plutôt par une soif de connaissances jamais enrayée.
Ce que personne ne m’a dit, c’est que ces quelques notes amassées facilement au primaire allaient me suivre toute ma vie. Je veux dire, si tu étais excellent au tout début de ta vie, ce serait quoi ta raison de ne plus l’être par la suite? Si j’avais 95% à un examen, c’était normal, pas de félicitations. Si j’avais 87%, je n’avais pas essayé assez fort et c’était très décevant de ma part. C’est correct, d’encourager les enfants à se surpasser. Mais ça créé aussi un problème : celui que l’enfant ne se voit plus que dans le succès.
J’ai abandonné des cours de natation pendant 2 ans parce que je n’étais pas aussi « bonne » que les autres – des adolescents qui avaient 5 ou 6 ans de plus que moi. Je stressais de recevoir une note en bas de 90% et de devoir la faire signer par mes parents. Je m’inscrivais à des compétitions de mathématiques alors que je détestais ça profondément, simplement pour me prouver que je pouvais tenir tête aux meilleurs. Ironiquement, ça me détruisait à petit feu de ne pas être la meilleure de la classe, alors que je n’avais strictement rien à faire de la note elle-même. J’aurais pu avoir 2/20, si j’étais la meilleure, ce n’était pas grave.
Avec le temps, ça s’est transformé en peur d’échouer. Je vais l’avouer, cette peur me stresse énormément. Je suis tout simplement incapable d’accepter l’échec ou de tolérer un résultat moins bon. Je ne veux pas arriver deuxième ou troisième. Il n’y a que la première marche du podium qui peut me convenir. Je fais tout pour y arriver – que ce soit sacrifier des activités ou me coucher à 3h du matin. Les cernes, c’est un état naturel. Il n’y a que la possibilité d’avancer qui compte.
Le problème avec ça, c’est que les gens vont t’admirer, te dire que tu es une parfaite et que tu vas aller loin dans la vie. Moi, tout ce que je vois, c’est l’anxiété de la performance. Aucun juste milieu et incapable d’arrêter tant que le but ne sera pas atteint. Sauf qu’une fois qu’il est atteint, il n’est plus satisfaisant. J’ai peur que ce ne soit jamais assez, que je ne sois jamais assez, et que je sois condamnée à l’éternel soif de victoire parce que je suis incapable de me satisfaire de moins que le sommet. Quand l’ambition supplante tout le reste, que tu donnerais n’importe quoi pour y parvenir, sans te limiter toi-même, sans refuser d’investir tout ce que tu as, au péril de ta santé mentale et physique, c’est un peu plus qu’un simple souhait de réussite. La petite voix qui me dit de donner plus, elle ne se tait jamais, même si je lui demande d’arrêter de parler.
Les meilleurs jours, cette impossibilité d’échouer se transforme en une motivation immense.
Les pires, elle est le gage de l’absence éternelle de satisfaction.
Je vais faire un burnout à 27 ans.