Montréal et ses 375 printemps
Tout ça, c’est à cause de Maisonneuve et de Jeanne Mance. C’est qu’en 1642, on peut comprendre leur engouement pour cette île caressée par le fleuve, terre nouvelle débordante de promesses florissantes. J’aimerais bien voir leurs visages aujourd’hui, certes morts, mais leurs expressions s’ils pouvaient revivre. Je les imagine en train de se retourner dans leur cercueil en disant: «Ben voyons donc doux Jésus c’est quoi ça! Les gens ont perdu la foi en la religion.» Tout ça en soupirant fort. Que reste-t-il de l’histoire de Montréal depuis 1642?
C’est donc avec le prétexte de célébrer tes 375 printemps que je t’écris, puisque te parler semblait s’imposer. Autant je vis bien avec toi, autant tu me fâches. Les fesses sur un banc de métro datant de l’Expo 67, mon iPhone à la main, je te psychanalyse, tu me joues dans la tête. Je pense à toi, qui du haut de ton Mont-Royal, réussis à m’engloutir du beau que tu possèdes. Tu me procures ce sentiment d’être partout à la maison.
Alors, voici mon analyse de Jarry à Berri, à toi de moi. D’abord, ce serait mal te connaître de ne pas parler de tes maudits cônes oranges qui poussent autant que des pissenlits à travers la ville. Tes travaux qui n’en finissent plus de finir, les milliers de pancartes annonçant des détours placés ici et là afin d’agrémenter ce joyeux bouquet de chaos que tu offres continuellement. J’aimerais être informée du moment où les routes ne seront plus synonymes de chemin de l’enfer. Un chemin de croix parsemé de cratères portant le nom de nid de poule, s’enfilant sur des kilomètres. Mais où sont lesdites poules dévastatrices qui me font shaker le cerveau chaque matin quand j’enfourche ma monture? Qu’on les réprimande une fois pour toutes! À tous ces malheureux piétons touristes déambulant sur les pistes cyclables du Vieux-Port, très peu visibles à cause d’une signalétique bâclée. C’est que par plusieurs petits dimanches après-midis, j’ai failli en heurter plus d’un, mille excuses. Qu’il est beau le clocher de l’église Notre-Dame, qu’il fait bon se gaver les yeux de paysages pittoresques et d’Habitat 67 en toute quiétude de déplacement entre les calèches, les voitures et les vélos.
Je dois avouer que la première fois que j’ai vu ton nouveau wagon de métro débarqué sur le quai j’étais émue. Les étoiles dans les yeux, je vivais le futur. Les portes d’Azur se sont ouvertes, une forte impression d’entrer dans un vaisseau qui mène vers une autre galaxie m’a prise. Les rumeurs étaient donc vraies, enfin je pouvais contempler ta splendeur. Comme il fait bon de prendre Azur et d’y attendre une heure en raison d’une panne de courant qui cause un ralentissement sur la ligne verte, ou encore pour une porte mal fermée, merci la STM.
Bon, je sais que je n’y vais pas de main morte, à grands coups de sarcasme je te pointe du doigt chère Montréal. Je pourrais n’avoir que d’éloges à ton sujet, te flatter dans le sens du poil, de ton gazon qui recouvre tant de parcs dès l’arrivée du beau temps. Mais tes imperfections font ton charme. Ta personnalité anarchique ne semble faire qu’à sa tête et ouvre une fenêtre aux possibilités. Des architectures décalées jusqu’aux plans d’urbanisme sans trop de cohésion qui forment la ville. Cette manière que tu as d’être habilement maladroite donne place à de belles choses. Même si j’ai l’impression de te voir tomber de partout, tu continues de susciter l’intérêt. Avec tes activités culturelles qui foisonnent, tes marchés remplis de saveur, ta mixité culturelle et plus encore. J’aurais juste envie de te prendre dans mes bras puis de te dire: «Merci d’être toi.»