Mon pacemaker m’a appris à aimer mon corps
Woah. «Pacemaker» et «aimer son corps» dans la même phrase? Bonjour la grand-mère dans un corps de 24 ans, tsé veut dire.
J’ai longtemps réfléchi à comment je pouvais vous faire part de mon expérience de fille de 22 ans qui se fait dire qu’elle aurait un pacemaker le 22 mai 2015. Non pas que l’expérience en soi n’est pas intéressante, mais je sais très bien que c’est dur à concevoir que les pacemakers ne se retrouvent pas juste sur les grands-pères de 75 ans…
Je pourrais commencer par vous dire pourquoi je me retrouve maintenant avec le statut de femme bionique: bradycardie avec blocs AV. Pour ceux et celles qui ne connaissent rien au milieu médical, ça veut que mon coeur bat de façon irrégulière (arythmie cardiaque), donc que mon coeur bat plus lentement que la normale et arrête (ouais, la ligne droite dans les films là…) de 20 à 30 fois par jour, 1 à 7 secondes. Oui, vous avez bien lu. Mon coeur prend des vacances pour un total de 30 minutes en 24h.
DONC, long story short: j’ai eu une première opération le 21 mai 2015. Après des complications parce que je n’ai pas écouté les conseils de ma cardiologue, deuxième opération le 31 juillet 2015, soit 2 jours après que mon ancien band The Garlics fasse la première partie de Simple Plan au Festivent Ville de Lévis. Et là, j’ai reçu un bon «tu dois vraiment arrêter l’activité physique pendant au moins 4 mois, ça inclue de ne pas monter les marches et de prendre un taxi si tu as à marcher trop longtemps» de ma cardiologue.
4 mois?
«Mais là, madame… J’ai besoin d’aller au gym. J’ai toujours été plus large que les autres filles. Si je ne vais pas au gym, je vais devenir grosse. Je vais devenir grosse. Je vais devenir grosse. Je vais…» (La loop s’est effectivement créée dans ma tête). Je me retrouvais donc à devoir faire une larve de moi-même pour m’assurer que mon pacemaker allait effectivement bien se greffer à mon coeur et rester en place.
Les semaines passèrent et je prenais effectivement du poids. Pas de façon anormale, mais comme une fille qui ramollit parce qu’elle ne fait plus de squats et de set-ups. Je suis toujours en mesure de porter les mêmes vêtements, mais je me sens gonflée. Plus les mois passent, plus je commence à me trouver moins belle, moins en forme, moins chix et surtout moins intéressante. Tout simplement.
Un beau matin, alors que j’étudiais en pyjama…
J’ai beau avoir mise sur pied ma première campagne de financement pour la Fondation du CHUM sur la recherche médicale sur les maladies du coeur (Pace The Beat), être bachelière en journalisme de l’UQAM, étudiante en droit à ULaval et faire carrière en musique, je me trouve grosse, moche, name it. Ah oui, y’a aussi le pacemaker, tsé.
C’est là que la vie m’a donné une grosse claque dans la face (et une derrière la tête aussi)…
Tu es plus qu’un chiffre sur la balance.
Et c’est ça qui est fucked up dans la façon que la société nous a formées, les filles. Je focussais tellement sur ce fameux physique que j’en oubliais que j’étais maintenant EN SANTÉ, véritablement, pour la PREMIÈRE FOIS DE MA VIE. J’en oubliais que la raison pour laquelle je devais arrêter de bouger était pour s’assurer que l’appareil mis en place dans mon corps (a.k.a. pacemaker) permettrait à mon coeur de battre TOUT LE TEMPS.
J’ai réalisé que je mettais tellement d’énergie sur mon apparence que j’en oubliais l’intérieur. Et c’est le cas de le dire.
Comprendre que la vie m’avait donné une deuxième chance et que je devais la saisir pour redonner à mon tour. Que ce soit en permettant à d’autres femmes de remonter leur estime d’elle-même ou tout simplement en incitant les jeunes filles à aller à l’école et à suivre leurs rêves.
J’ai surtout constaté qu’on doit donner plus de place aux femmes qui font changer les choses avec leur tête, leurs ambitions, leurs idées réinventées, mais surtout, à des femmes qui sont beaucoup plus qu’un chiffre sur la balance.
Wow. Finalement, c’est beau de prendre du temps pour travailler ce fameux «intérieur».
Merci pour la leçon, cheers Pacemaker.