Un Franco-ontarien, ça mange quoi en hiver?
Conversation typique lorsque tu es Franco-Ontarien :
– Tu parles tellement bien français pour une anglophone. T’as presque pas d’accent!
– Je ne suis pas anglophone.
– Mais tu as été à l’école en anglais?
– Non…
– Mais alors tu parlais anglais à la maison?
– Non, on parle français à la maison aussi.
– Ah. Mais tu viens de l’Ontario?
– Oui…
– Mais alors tu dois habiter à Gatineau?
– Non, Gatineau, c’est au Québec!
(Crédit à mon amie Andréanne qui a mis ce magnifique statut Facebook lors de la journée des Franco-Ontariens le 25 septembre.)
Chers amis, un Franco-Ontarien, ce n’est pas un Québécois. Un Franco-Ontarien, c’est une petite bête plutôt rare que certains croient en voie de disparition; c’est une espèce coriace, entêtée, au langage unique et coloré.
J’aime décrire le Franco-Ontarien comme étant le juste milieu entre un franco-québécois et un anglophone. Un joyeux mélange, quoi!
Il y a plus de 650 000 Franco-Ontariens « pure laine » en Ontario – on peut les retrouver un peu partout comme à Sudbury, Ottawa, Casselman, Hawkesbury, London, Wawa (et oui, il y a vraiment une ville ontarienne qui s’appelle Wawa). Nous sommes même la plus grande communauté de francophones hors Québec. Nous avons un système scolaire francophone avec des professeurs francophones et des livres en français. Parfois, nous faisons du name dropping avec Dan Akroyd, Damien Robitaille, Roy Dupuis et Veronic Dicaire qui sont franco-ontariens et qui sont tous le voisin d’un des amis lointains de mon arrière-tante. Nous avons aussi une histoire riche et pleine de rebondissements, car nous avons souvent dû nous battre pour nos droits. Nous sommes aussi particulièrement charismatiques, intelligents, et surtout, modestes.
Lorsque j’ai commencé mes études à Montréal, j’ai dû me résoudre à éliminer quelques anglicismes et expressions anglophones qui parsemaient jusqu’alors toutes mes phrases, car les autres étudiants me croyaient fraîchement arrivée d’une étrange contrée. Je suppose que parce je cravais un latte, que je capotais sur cette best song ever ou bien parce que j’avais été watcher une vue au movies le samedi soir, cela faisait de moi une personne différente. J’ai dû m’ajuster, mais jamais je n’ai cessé de propager la bonne nouvelle de l’existence de la Franco-Ontarie et de ses charmes indéniables.
Notre « accent », comme vous aimez nous le rappeler et nos expressions un peu weird sont des détails qui nous rendent tellement plus attachants! En tous cas, c’est ce que j’aime me répéter.
Sûrement que tu te demandes : « Ok… et ça change quoi à ma vie, l’existence des Franco-Ontariens? » Mais ça change tout! Vous n’êtes plus seuls à vivre cette éternelle menace de voir votre langue s’éteindre : nous partageons la même bataille, les mêmes peurs – avec des visions peut-être légèrement différentes, mais tout de même. La langue française est présente en Ontario depuis 400 ans, ce serait dommage de la laisser s’envoler aussi facilement.
Tout comme toi, nos ancêtres ont porté la ceinture fléchée et la fleur de lys avec fierté, ils ont maintes fois conté l’épopée de Champlain et la légende de la chasse-galerie. L’odeur des tourtières a parfumé nos cuisines et des chansons à répondre ont résonné jusqu’aux petites heures du matin. Notre histoire n’est peut-être pas identique, mais nos traditions sont les mêmes.
L’anglais est omniprésent dans la vie du Franco-Ontarien. Cela peut faire en sorte qu’il devient parfaitement bilingue sans avoir à travailler très fort, mais cela n’enlève pas que notre langue est constamment menacée et nos droits ont souvent été bafoués. Tu vas peut-être rire de moi, mais c’est une petite victoire à chaque fois que nous commandons un café en français et qu’on ne réponde pas what? – parce café c’est tellement différent de coffee, tsé.
Je dois t’avouer que ce ne sont pas tous les franco-ontariens qui crient sans cesse leur fierté sur les toits de maison (ce que je fais pourtant si bien chaque matin!), mais la majorité s’empresseront de te corriger si jamais tu fais l’erreur de dire qu’il n’y pas de francophones hors Québec. De mon côté, j’ai toujours été l’étudiante un peu trop impliquée qui organisait des rallyes francophones à l’école secondaire ou qui corrigeait le professeur sur le légendaire combat pour conserver l’Hôpital Monfort (le seul hôpital francophone en Ontario). Nous demeurons toutefois un peuple fier, qui raffole de chanter en choeur Mon beau drapeau (et oui, nous avons même un hymne des franco-ontariens, tu devrais aller écouter ça live sur Youtube), un peuple pour qui « vraiment beau » sera peut-être toujours « super nice », mais qui protège sa langue et qui contribuera encore et toujours à revendiquer les droits des franco-ontariens DANS LE MONDE ENTIER (ok, ok, je me calme)!
Voilà, tu sais maintenant que le Franco-ontarien existe et qu’il est là pour rester, right? Tout de même, ça serait vraiment super nice si tu ne ressentais pas le besoin de lui dire qu’il n’a presque pas d’accent pour un Franco-ontarien. Je te garantis que tu feras sa journée!
Par Audrey Champagne