Un rêve a dicté le reste de mon adolescence

T’sais, ce genre de rêve qui semble si réel que t’arrives pas à te le sortir de la tête? Ben c’était ça. Je pensais à lui tout le temps pis je faisais même des détours à l’école en espérant le croiser. Il n’était plus mon prof cette année-là, fait que je pouvais pas le voir très souvent.

Jusque là, c’est pas si mal. Une adolescente qui a un kick sur un prof, c’est quand même commun. Mais attends, ça s’arrête pas là.

Au début, c’était ben cute, j’avais dit à quelques amies que j’étais en amour avec lui et je remplissais les pages de mon journal intime uniquement en parlant de lui. Je me répétais de jour en jour, mon discours était pas très élaboré : « Il est beau, il est fin, je me demande si il m’aime lui aussi »; il avait environ 34 ans, était marié et attendait un enfant, est-ce qu’il m’aimait, tu penses? Mais la jeune, naïve et romantique fille que j’étais pensait vraiment que ça se pouvait.

Fait qu’après en avoir parlé à un peu trop de monde qui ne méritaient pas nécessairement d’être au courant de mon secret, je m’étais dit que ce serait ben logique de le mettre au courant lui aussi! S’il sait pas que je l’aime, y pourra jamais rien se passer entre nous deux, t’sais!

J’avais hésité longtemps et, un jour, après un cours, je m’étais dirigée vers sa classe avec la ferme intention de lui déclarer ma flamme. Heureusement (oui, on peut dire heureusement, quand même), j’avais choké à la dernière minute. J’étais ben trop gênée! Fait que je m’étais donc dit que ce serait beaucoup plus simple de faire passer le message par écrit et par deux de mes amies qui étaient dans sa classe.

Fait que oui, tu comprends bien. Il a fini par être au courant qu’une jeune de 12 ans était en amour avec lui et, je te confirme, les quelques semaines qui ont suivies ont été pas pire awkward.

Malgré tout ça, mes sentiments pour lui ne diminuaient pas; même si j’aurais dû comprendre que c’était impossible et niaiseux, je l’aimais pareil. Je vivais totalement dans le déni, je me mentais à moi-même et, surtout, j’espérais.

L’année suivante aurait dû être une espèce de coupure, un nouveau départ, puisque le 2e cycle du secondaire se donnait dans une autre école, mais non. Maintenant que je n’avais plus aucun moyen de le voir, je m’ennuyais et j’ai passé tout mon secondaire 3 à m’apitoyer et à remplir un deuxième journal intime qui ne parlait que de lui.

En secondaire 4, j’ai commencé à laisser mes sentiments vagabonder vers des garçons de mon école et, surtout, de mon âge, sans réussir à l’oublier totalement, lui. Mais en secondaire 5, malheur! Il avait été transféré à ma nouvelle école! Je commençais à me le sortir de la tête et bam!, il refaisait surface! J’ai donc trainé ce crush improbable durant tout mon secondaire, au grand dam de mes amies.

Avec le recul, par contre, je réalise que vers la fin, j’en mettais un peu. Je disais à mes amies que j’étais toujours amoureuse de lui, sauf que je comprends maintenant (et j’avais une petite idée quand même à l’époque) que j’aimais davantage l’idée d’être amoureuse d’un prof que je ne l’aimais vraiment lui et que je l’aimais plus par habitude que par réel amour. Puis, dans tout ça, je me suis aussi menti à moi-même, en me convainquant pendant des années que je l’aimais, que cet amour était possible et que ça ne me donnait rien de chercher ailleurs.

Ne fais pas comme moi, ok? Ne te laisse pas avoir par ton subconscient qui va te mettre des idées dans la tête et par ta naïveté qui va te faire croire que tout est possible. Écoute tes amis qui te diront que ça pas de bon sens et passe vite à autre chose.

Ça ne vaut pas la peine de vivre ta première peine d’amour pour quelqu’un qui n’a même jamais mis un pied dans ta vie.

C’est comme ça qu’un simple rêve a dicté mon adolescence au grand complet.