Travailler à temps plein et être aux études supérieures : l’exemple de Marie-Ève Carignan, PhD et professeure en communication
«Conciliation travail-études», surtout au 2e ou au 3e cycle, c’est un peu comme un système de transport en commun dans un village perdu au fin fond du Nord-du-Québec : des fois ça existe, mais c’est pas toujours évident.
Tenter de partager ses heures entre séminaires, lectures, recherche d’emploi d’adulte – oui, un jour on espère arriver à cette étape fatidique – ça apparaît pour certains comme un défi insurmontable. Ce qui est typique, c’est qu’on sous-estime trop souvent nos capacités. Voici un exemple concret d’une femme qui a su dresser un portrait édifiant des possibilités d’allier devoirs et carrière. J’ai posé quelques questions à Marie-Ève Carignan, professeure d’information et de communication publique à l’Université de Sherbrooke, qui cumule sans équivoque de nombreuses étoiles de match en ce qui a trait à sa propre conciliation travail-études depuis le baccalauréat.
C’est d’emblée que la docteure en communication, fraîchement débarquée en Estrie depuis septembre, admet qu’il est possible d’allier à la fois les expériences professionnelles ainsi que ses études aux cycles supérieurs. «Oui, certainement, je ne serais pas professeure aujourd’hui si ce n’était pas le cas et je n’aurais pas, non plus, mon titre de docteure. Bien évidemment, dans le meilleur des mondes, nous aurions tous des bourses importantes et n’aurions pas à cumuler emplois et études, quoique j’aie toujours pris un grand plaisir et une importante satisfaction personnelle à concilier les deux.»
En plus d’avoir comme raison ultime l’important fait de subvenir aux besoins essentiels durant les études, le travail devient en soi un complément qui permet d’appliquer certaines connaissances acquises pendant les études et même d’approfondir ces dernières. Selon elle, «pour réussir à concilier travail et études, il faut d’abord et avant tout de la volonté pour accorder de l’importance autant aux études qu’au travail et surtout ne pas délaisser un au profit de l’autre. Il faut aussi être très organisé pour réussir à tout gérer et être prêt à perdre quelques jours de congé pour jumeler les diverses occupations. Donc, on réduit les sorties et les activités, mais on doit tout de même conserver quelques moments de repos pour garder un certain équilibre de vie.»
Pour sa part, Marie-Ève détient certainement la touche magique parce qu’elle a sans contredit suivi un parcours impressionnant. Ayant commencé à cumuler les petits emplois dès son secondaire 2, cette dernière n’aura jamais cessé de concilier sa vie professionnelle parallèlement aux diverses sphères de sa vie. Il n’existe nécessairement pas de tableau parfait et toutes les recettes deviennent parfaites lorsqu’elles sont teintées de notre touche personnelle. Pour Marie-Ève, arriver à établir une aussi bonne relation entre le travail et les études dépendait d’une seule chose : aimer ce qu’elle fait, au travail comme à l’école. Cliché, mais essentiel. «Ainsi, je ne me sentais pas brimée et je n’étais pas prise dans un sentiment de ne plus avoir de temps pour moi. J’étais contente d’aller travailler ou d’aller étudier, car j’allais toujours chercher une satisfaction personnelle et quelque chose de nouveau. Je ne crois pas non plus qu’il y ait de sots métiers, il y a toujours la possibilité d’aller y chercher une certaine satisfaction sociale, intellectuelle ou personnelle.» Puisqu’un agenda ne se construit pas tout à fait à partir d’arcs-en-ciel et des licornes qui foisonnent dans la contrée de la pensée magique, cibler ses priorités et respecter ses délais font évidemment partie de la liste des prérequis importants à la réalisation de cette conciliation.
Il n’en reste pas moins qu’être un bourreau de travail ne contribue pas nécessairement à concrétiser le tout, et selon Marie-Ève, il est essentiel de garder des moments prévus, sur une base régulière, pour des activités personnelles, question de décompresser.
Mais en tant qu’étudiants aux cycles supérieurs, on prend la décision de repousser de quelques mois, voire quelques années notre arrivée officielle sur le marché du travail – du moins, dans ce monde qui nous donne la permission de parler de cette «vraie carrière», de notre «job d’adulte». Est-ce légitime de voir une certaine impatience se créer, une hâte de pouvoir passer rapidement à cet échelon qui dépasse enfin les petits emplois étudiants? Sinon, est-ce possible de pouvoir harmoniser un travail «sérieux», à temps plein, et ses études supérieures en parallèle?
Pour Marie-Ève, ce genre de questionnements, bien que légitime, n’a pas eu raison de sa volonté : «À la fin de mon baccalauréat, j’ai fait un stage au Conseil de presse du Québec. Cela a été une grande révélation, j’ai découvert mon intérêt pour la recherche, la rédaction et le monde du journalisme. Mon stage s’est si bien déroulé que j’ai été engagée au Conseil de presse, d’abord à forfait, puis j’ai occupé un poste régulier à temps plein. Parallèlement, j’ai décidé de poursuivre mes études au deuxième cycle pour approfondir mes connaissances. Le Conseil s’est montré très conciliant pour me permettre d’assister à mes séminaires de maîtrise et de reprendre le temps dans d’autres périodes au travail. La conciliation s’est faite si naturellement que le doctorat s’est présenté comme une suite logique, qui a pu se réaliser en même temps que j’évoluais dans ma vie professionnelle.» C’est à la suite de son départ du Conseil qu’elle a atterri chez Raymond Chabot Grant Thornton, où sa condition première pour accepter son poste de directrice des communications et des relations publiques était claire et précise : travailler parallèlement – à temps plein – sur son doctorat. Sa volonté de jumeler ces deux importantes activités a non seulement pu démontrer qu’elle était entièrement impliquée, mais qu’elle cherchait clairement à se perfectionner dans son domaine. «C’est la preuve qu’il y avait là de bons gestionnaires qui comprennent le désir de se dépasser».
J’ai finalement posé à Marie-Ève cette question, qui, je dois l’avouer, me rongeait à titre d’étudiante terminant tout juste sa première année à la maîtrise :
Comment encouragerais-tu la clientèle étudiante des cycles supérieurs qui privilégie une approche où le temps est davantage (sinon entièrement) dédié à ses occupations scolaires, à opter pour la conciliation travail-études?
«Je crois que ce sont des situations très personnelles et nous n’avons pas tous la même facilité à concilier les deux sans nous décourager ou être surchargés. Si un étudiant a les ressources nécessaires pour étudier sans travailler, tant mieux! La conciliation études et travail, c’est d’abord et avant tout un choix de vie. Pour ma part, c’est une décision que j’ai prise il y a de nombreuses années. Je voulais acquérir un bagage académique et professionnel complémentaire, qui me permettrait, en tant que professeur, de jumeler les deux aspects dans mes cours et mes recherches. C’est un bel accomplissement pour moi!»
Par Angie Landry
Collaboratrice spontanée
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