Les classes des maîtres OMNIVORE … On en prendrait plus!
Depuis jeudi, la relève culinaire est en effervescence à Montréal pour la troisième édition du festival Omnivore World Tour. Créé en France en 2006, cet événement a pour but de révéler les nouveaux cuisiniers de talent: valorisant une gastronomie du monde au détriment d’une Haute Cuisine française hermétique et dépassée.
Les chefs montréalais accueillent ainsi plusieurs jeunes cuisiniers du monde entier. De Paris à New-York en passant par Moscou, ces jeunes chefs s’invitent dans les cuisines de leurs hôtes le temps d’un « Maudit Souper » où le produit de deux passions engendre des résultats aussi surprenants que délicieux! Souvent à guichets fermés, ces soupers sont presque réservés aux acteurs du milieu. C’est donc lors des démonstrations culinaires, ou classes des maîtres, que le public a l’opportunité de côtoyer et d’observer la relève culinaire internationale de très près.
Sans surprise, c’est la Société des Arts et Technologies qui accueille samedi et dimanche les démonstrations des différents chefs! Pour sa première journée de classe, Sébastien Démorand, le solide animateur d’Omnivore recevait les 9 premiers chefs à l’honneur.
Aaron Langilles (ex-Café Sardines, ex-Orange Rouge, papa entre deux projets) a brisé la glace en lançant la première conférence de la journée. Ce chef prodige qui enflamme la critique partout où il passe nous a présenté une salade d’algues « romantique » tout en finesse qui annonçait les mots d’ordre du jour: qualité des produits! Kathy Peetz, de Brooklyn, y est donc allée d’une recette de yogourt à partir de lait de coco : « I love to cook real ingredients», a-t-elle répété à plusieurs reprises tout au long de la démonstration. Une recette sympathique, mais pas très impressionnante.
On revient à Montréal avec l’aimable Simon Mathys, du feu Racines. Encore amer de la fin de cette aventure, Mathys a relevé l’importante différence entre restaurateur et investisseur. Décrivant sa cuisine comme « simple et funky », on a toutefois cherché le deuxième aspect de sa personnalité dans les plats qu’il nous a présentés. Une recette de foie gras, sans aucune transformation, servie avec des éclats de meringue et un tartare de veau classique surmonté d’une crème fouettée à la moutarde… On aurait pris plus de « funk » disons!
Les démonstrations de l’avant-midi se sont conclues sur un chapitre étonnant avec la venue du chef de Moscou Ivan Snishkin. Celui-ci a d’ailleurs envoyé une petite flèche au régime Poutine en affirmant que ces 15 dernières années avaient été bien tranquilles côté cuisine en Russie; un sous-entendu qui a laissé pantois le pauvre Sébastien Démorand qui voulait en apprendre davantage sur la relève russe. Au menu, une thématique masculin et féminin prise au sens très propre du terme. Des chips d’amourettes d’agneau (oui, oui, des testicules!) et des beignets d’utérus de porc (c’est pas une blague!). Si les chips d’amourettes se sont envolées comme des petits pains chauds, seuls les curieux se sont emparés des beignet (dont moi). Ces derniers étaient coriaces, caoutchouteux, sans goût, bref pas de quoi répéter l’expérience!
L’après-midi était de loin supérieur. Le dôme de la SAT était d’ailleurs beaucoup plus rempli. Patrice Demers nous a renversé avec sa déclinaison de plats à base de fraises. Version salée avec sa mousse de foie de volaille accompagnée d’une gelée de fraises fraîches, version dessert avec un sorbet et un coulis de fraises à la betterave et à la fleur de sureau et version boutique avec un éclair à la gelée de fraise vanillée. Impeccable, magnifique, délicieux.
Omnivore, c’est aussi un hommage aux différents producteurs. Anicet Desrochers, apiculteur, et Géraud Bonnet, agronome, de la Ferme Apicole ont livré un magnifique message pour le respect du miel, mais aussi pour une agriculture plus commune et concertée. Angelo Romano nous a ensuite proposé une recette assez simple d’aiglefin poché: rien de particulièrement novateur. Alexandre Cruz et Cyril Gonzalez, les « cueilleurs, fouineurs, récolteurs » de la Société Orignal ont ranimé la foule de passionnés et de journalistes avec un exposé fascinant et inspirant sur l’agriculture québécoise et ses produits encore trop méconnus.
Saviez-vous qu’il existe 30 variétés de crevettes au Québec? La crevette de Matane va bientôt avoir un peu de compétition!
Cruz nous a rappelé l’importance de cuisiner les produits d’ici et de s’intéresser aux artisans de notre gastronomie. La cuisine québécoise a évolué tout comme la culture agricole, maritime et forestière!
La journée s’est terminée avec la présentation du célébrissime Hugues Dufour du M. Wells dînette de New-York. Toujours un peu en marge, l’ex-disciple de Martin Picard nous a proposé un plat digne de nos grands-mères: une truite mouchetée bleue (c’est la couleur qu’elle prend quand on lui donne un p’tit bain de vinaigre cheap!) servie avec des pommes de terre et du chou poché. On ne s’emballe pas pour la recette, mais le personnage vaut le détour!
Au final, on reste un peu sur notre faim. Les entrevues sont bien menées, mais certains chefs se prêtent moins facilement à l’exercice et on décroche. Le temps restreint n’est pas favorable à l’exécution de recettes réellement complexes et on assiste, plus souvent qu’autrement, à un assemblage de produits préparés d’avance. Bref, l’horaire gagnerait à être repensé, car comme on le dit souvent: vaut mieux privilégier la qualité à la quantité! Une mention spéciale aux conférences des producteurs qui nous ont réellement inspirés et faits découvrir une partie méconnue de notre gastronomie.
Par Alexandra Gosselin