Beauté fatale : Quand tourner autour du pot devient un passe-droit pour s’en faire tirer en arrière d’la tête

Que je sois bien claire : ma volonté intrinsèque à travers ce texte n’est pas de faire la critique ni l’éloge de Léa Clermont-Dion ou de son tout récent documentaire Beauté Fatale. Il existe à ce sujet déjà bien des têtes qui se sont donné le droit de le faire, et je me dis que je ne serais peut-être pas la meilleure pour m’élever au-dessus et de faire ma grande moralisatrice vide. Parce que des fois j’écris des textes wannabe poétiques, pis des fois j’écris sur l’excellent rapport qualité-prix des 5@8 de l’Université de Sherbrooke. Ça qui fait qu’au final, je ne me garantis pas nécessairement d’une écriture digne d’une jeune femme impliquée politiquement en partageant mes cafés lattés avec la moitié de la colonie artistique, et n’ai ni la crédibilité qui vient avec.

Cela dit.

Je partage le débat d’idées qui s’instaure au travers la tribune que cette jeune femme offre en présentant son film. Je suis même ravie de voir que ça soulève des passions. Depuis la grève étudiante de 2012, on dirait que rien d’assez fort n’avait donné le goût aux gens de tapocher su’ des chaudrons. Je ne pense pas que Beauté Fatale devienne sujet à un phénomène de société; reste que le fait que les multiples tranches du gros pain de générations québécoises commençait à faire dur niveau fraîcheur et que nos vieux débats deviennent une vieille croûte avec des spots bleus. Ça fait du bien de voir qu’on affiche nos couleurs et que la diffusion n’ait pas passé dans le beurre.

Cela dit.

Je prends ici mon petit change de fille qui s’oppose normalement aux jugements rapides, aux commentaires irréfléchis. Je garde souvent mes opinions dans mes fonds de pots à marinade à idées parce que je trouve ça ordinaire de sauter des coches ou de me tirer du jus à faire des montées de lait. Je suis juste une bébé-adulte de 25 ans avec peut-être pas assez de grandes jambes pour faire valoir mon opinion. Mais là j’ai un malaise. Pis j’ai l’impression que la meilleure façon avec laquelle je pourrais dealer, c’est d’utiliser cette tribune que m’offre hebdomadairement les Nerds pour nettoyer le début d’encrassement de mes tripes qui tripent pas tellement à voir passer la plus grande des gratuités : le bashing.

 

On dirait que c’est rendu trendy et particulièrement montréalais (à mon tour de risquer le pitchage de roches) d’utiliser des noms des personnalités québécoises et de les placer à quatre pattes sur les réseaux sociaux, pis de leur rentrer un poing virtuel bin profond dans le rectum. L’espace public, avec le web 2.0, devient ironiquement large et vaste, mais confiné à se restreindre aux leaders d’opinion qui attirent l’attention parce qu’ils en redemandent. Les Richard Martineau ou les blogueurs à 5 cennes (je m’inclus là-dedans) qui écrivent avec satisfaction une critique oublient trop souvent le principe premier d’une critique : « le fait de discerner la valeur des personnes ou des choses ». Je m’excuse d’avance. Mais il y a clairement de quoi être mal à l’aise avec le tas de critiques pseudo-intellectuelles qui pleuvent sur le cas de Beauté Fatale.

Lea-Clermont-Dion

Crédit photo de couverture : Julie Artacho

Que je sois (encore) bien claire : ma volonté intrinsèque à travers ce texte n’est pas de faire la critique ni l’éloge de Léa Clermont-Dion.

Mais y’a des estifi de limites à garocher des pots en arrière de la tête d’une porteuse de message quand on n’a pas particulièrement de fleurs à lancer pour un objet/projet/œuvre.

Qu’on me comprenne bien : oui. Oui. Oui le marchandage de la beauté, l’institutionnalisation du culte, les dénonciations sur le fait que Dove est hypocrite parce que c’est détenu par la même cristie de compagnie que Axe, oui, oui.  Bin oui. Tout ça c’est du mâché et re-mâché, ce sont des images et des discours qui ont été pelletés par les pelleteux de gamiques, par les frufru(e)s qui assument leur amertume face à cette désobligeante problématique. C’est d’autant plus véritable qu’il aurait été plus qu’intéressant de remarquer un contenu approfondi, qui touche d’autres sphères que le maudit maquillage méchant, que les mannequins dans un déni zombiesque, que des pauvres belles madames de 40 ans qui passent pour des grosses pas fines d’utiliser du Botox parce qu’elles ont le front slack. C’est aussi drôlement réel que le besoin de Léa d’être rassurée dans son mal était palpable. Plus palpable que ça, c’est un gynécologue qui te fait l’examen du sein en plein lundi après-midi. La jeune femme a sans doute contextualisé le plus gros plan de son documentaire avec l’influence de ses crottes sur le cœur, elle tire les ficelles de sa propre existence à travers la problématique et elle a peut-être encore trop le nez dans sa propre bouette (vous traduirez bouette par ce qui sonne plus fécal, j’ai pas osé) pour voir qu’elle est pas seule dans sa bulle de souffrance.

Rappelons quelque chose : la jeune femme a conceptualisé un documentaire. Elle a eu la chance d’être supportée par un réalisateur (et une équipe entière) qui apportait lui-même sa vision à l’élaboration du film. On s’entend tu pour dire qu’elle ne s’est pas nécessairement écrit un rôle pour passer au CCM (coiffure-costume-maquillage) pendant 30 jours de tournage? Elle le fait à travers 3653 publications écrites sur des blogues, dans des revues ou journaux, entre 2-3 apparitions quotidiennes pour des chroniques télévisuelles, en essayant de fitter des séminaires et des travaux de maîtrise, des conférences devant des jeunes inconfortables physiques du secondaire, pis l’écriture/supervision de livres. Approfondir son cheval de bataille au travers ses 389 tribunes? Ok, peut-être. À envisager certes. À proposer même.

Mais ça me fait un énorme pli su’a bédaine de voir que certains sont incapables d’être diplomates et d’user d’une bonne foi pour réaliser cette proposition. Je suis d’accord que la fille doit s’habituer à faire face à la critique, mais qu’on se le dise : pitcher d’la marde sur quelqu’un, ce n’est pas ce que j’appelle quelque chose de constructif. Juger si LCD était assez solide mentalement pour faire ce documentaire, c’est limite questionnable. L’anorexie laisse ses fantômes ad vitam aeternam. Mais de là à se demander si c’est pertinent qu’une belle fille déplore les standards de beauté, et qu’en plus elle se la joue film personnel, c’est carrément passer à côté de la track. S’il fallait dire ça du cinéma entier, il aurait fallu qu’on arrête de faire des films en 1927 quand le Chanteur de Jazz est sorti parce qu’il y avait du SON dedans. Eille, du son, ON VOIT ÇA PARTOUT À C’T’HEURE C’EST TELLEMENT DÉJÀ-VU.

Pis s’il fallait qu’on retire des films, documentaires ou de fiction, qui s’inspirent ou qui sont framés sur des contenus personnels, on appelerait ça de la censure et on retirerait tout ce qui ne s’appelle pas National Geographic, genre.

La fille a 23 ans. C’est possible qu’elle n’en soit tout simplement pas encore à l’aboutissement de sa cause. Laissez-y le temps d’avoir ses dents de sagesse avant de lui demander la lune et le droit de vote aux femmes en Arabie Saoudite.

Que je sois (encore) bien claire : ma volonté intrinsèque à travers ce texte n’est pas de faire la critique ni l’éloge de Léa Clermont-Dion et de son film. Je reconnais les lacunes et je reconnais aussi que faire un film, surtout au Québec, ça prend des années de perfectionnement.

Mais on dirait que dans mes bobettes à moi, si j’avais de quoi de pertinent à proposer à cette jeune femme qui s’émancipe avec les moyens qu’elle a, ce serait de la remercier de prendre un tant soit peu de temps pour mon sexe au lieu de lui rentrer la tête dans la bolle en flushant constamment. Je suis pas certaine que j’aurais ses couilles.

Ça fait que Léa, garde-le donc ton 5$. Les gens qui se paient ta tête ont oublié entre 2-3 parties de Candy Crush c’était quoi la solidarité.

Par Angie Landry
Collaboratrice spontanée

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