Je ne perdrai plus ma vie à essayer de la gagner.
Shakespeare avait raison: l’indécision a fini par me paralyser. Depuis que je suis toute petite, je change d’idée tous les mois sur ce que je veux faire « quand je serai grande ». Ma curiosité a entretenue cette indécision et, au lieu de me chercher, j’ai fait grandir mon insécurité en accroissant mes possibilités. J’ai perdu mon temps à faire ce qu’il convenait de faire et je me suis éparpillée.
On m’a toujours dit : « Si tu ne sais pas ce que tu veux faire, assure-toi de t’ouvrir le plus de portes possible. Certes, mais cela prend du temps. J’ai pris le plus d’options possible au lycée, trop même d’après le baccalauréat. Puis il «fallait» faire des études. Toujours incertaine, j’ai choisi de les poursuivre dans un pays où l’on n’avait pas à choisir une matière d’emblée; j’en ai pris trois au lieu de repousser l’échéance à une date où mon choix serait fait. Mes étés étaient ponctués de stages pompeux aux noms glorieux. Sortie de l’université: panique. Il fallait que je trouve un emploi. Je me suis engouffrée dans le premier qui «sonnait bien», un nouvel ajout sur mon résumé. Vite, vite, vite, toujours plus vite.
Premières vacances en deux ans, premiers voyages depuis longtemps. Approchant la mi-vingtaine, je m’aperçois que j’ai perdu mon temps à essayer de le rentabiliser, en vain. Je dis «en vain», car lorsque je regarde autour de moi, ceux qui ont utilisé leurs jeunes années à des voyages, à leur passion, sans souci du «qu’en dira-t-on» ou d’emprunter un chemin que l’on jugerait plus approprié, plus sérieux, ceux-là même sont ceux qui se connaissent aussi bien qu’ils connaissent le monde, et qui ont réussi leur vie d’après leurs propres standards.
Arrivée à cet âge charnier où il faut choisir une carrière, un amour, une vie, je suis incapable de prendre une décision sur le chemin à emprunter. La raison? J’en ai trop fait sans jamais pourtant m’accorder le temps de rêver, de me trouver. Malgré toutes mes «portes ouvertes», je n’ai jamais eu le temps de me poser pour les considérer. J’ai fait ce qu’on m’a dit.
C’est pourtant juré: à partir d’aujourd’hui, je ne ferais rien qui ne m’enthousiasme au point d’accepter une défaite. «Il vaut mieux échouer par sa faute que par celle des autres», à la lumière de mes nouvelles révélations, cette phrase n’est que trop vraie.
Mes amis qui ont «perdu leur temps» (ou l’ont utilisé à meilleur escient, c’est selon) sont ceux qui ont trouvé le sens de leur vie. Le mien m’est encore étranger, mais le point positif à mon errance, à mon parcours que je n’ai cessé de précipiter sans le planifier, c’est qu’aujourd’hui, j’ai de quoi choisir. Aujourd’hui, je peux enfin prendre mon temps, regarder à droite et à gauche avant de traverser ou de rester sur la berge où je suis.
Alors, à tous les courageux parmi vous qui avez choisi votre voie et qui doutez parfois tant le succès tarde à venir, ne désespérez pas. Votre vie sera sans doute plus heureuse que celle de ceux qui se sont embarqués machinalement dans des sillons tout tracés, car vous n’aurez pas de regrets qui pèsent sur votre dos, mais seulement les ailes que votre passion font pousser. Aux autres, qui ont fait comme moi, «comme il le faut», il n’est jamais trop tard pour se lester de ce poids qui nous encombre. À ma génération d’égarés, si le chemin que nous cherchons n’est pas là, créons-le.
Par Johanna
Collaboratrice spontanée
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