L’homme qui veut nous libérer de Facebook
Internet avant Facebook, c’était quoi? Peut-on même encore s’en souvenir? Il y eut ICQ, puis MSN Messenger, mais que savait-on de nos interlocuteurs? Pas grand chose. On savait bien qui ils étaient, mais quelle importance? Il y avait également ce petit avatar, dont la mise à jour hebdomadaire demandait des heures de travail à l’aide d’une webcam bon marché. À cette triste époque, on ne parlait qu’à nos amis. Pas une photo du déjeuner de ce collègue d’il y a cinq ans. Pas une seule idée de ce qu’avait pu faire le chat de la belle-soeur de son oncle.
Voici bientôt une dizaine d’années que nous sommes enfin connectés. Après le temps des noces, vint le temps des questions. Et si Facebook était un peu comme ce jeune homme, gendre idéal, épousé à la hâte? Celui qui, quelques années plus tard, devenu un peu alcoolo, fait craindre le retour à la maison. Pas de Jack Daniel’s, non, mais des gorgées de publicité. Une pinte de données personnelles régurgitées au plus offrant. En même temps, avions-nous vraiment lu le contrat de mariage?
Paul Budnitz, http://paulbudnitz.com/
À l’eau Ello?
Si toutes ces questions reviennent aujourd’hui, c’est qu’un sauveur est arrivé. Celui qui – il le promet – jamais ne cèdera à la tentation. C’est juré, l’abstinent Ello sera « à l’eau ». Ce réseau social en pleine construction est l’oeuvre de Paul Budnitz, un entrepreneur américain de 47 ans. Le point fort du site (encore en version bêta, et sur invitation), un manifeste à nous mettre la larme à l’oeil. Pour résumer : « Amis internautes, on vous exploite, on vous manipule, et vous n’êtes pas un produit! ». Exactement ce que l’on a besoin d’entendre en ce moment. Plus concrètement (et sans mauvaise foi), la promesse est celle d’un réseau sans publicité, ni revente de données personnelles.
Manifeste de ello.co
Il faut dire que quand il est un peu bourré, on se demande presque si Facebook n’est pas un peu homophobe, avec sa politique de « real name ». Au point que certains s’interrogent sur la place réservée à la communauté LGBT, dont certains membres comme les transsexuels et les drag queens ont parfois vu leur profil fermé à la suite d’un changement de nom. Mais Ello est là, et l’exode est en marche. Budnitz déclarait cette semaine au Daily Dot qu’il les attendait à bras ouverts. Plutôt libertaire, l’homme a également mis à jour les règles du site, afin de ne pas se fermer au contenu pornographique. Il suffira simplement d’indiquer sur sa page qu’elle est potentiellement Not Safe for Work (NSFW). Un positionnement qui a peut-être également un fondement économique, comme certains semblent l’espérer : FreshTracks Capital, société de capital risque, a investi $435 000 dans Ello en janvier dernier. Comme expliqué sur son site : « Nous recherchons des entreprises pouvant […] atteindre leur seuil de rentabilité sous 5 à 7 ans ». La messe est dite.
Le syndrome de Stockholm
L’an dernier, 61% des utilisateurs du site de Zuckerberg ont pensé à fermer leur compte, au moins temporairement. Le chiffre est impressionnant. Mais ce qui est encore plus impressionnant, c’est la proportion de ceux qui ne le feront jamais. Facebook continue d’accumuler les membres. Alors que le réseau fête ses 10 ans cette année, il revendiquait 1,3 milliard d’utilisateurs en juin 2014. En faisant un rapide calcul (se basant sur les données du centre de recherche Pew), on constate que 97% des adultes utilisant un réseau social sur internet utilisent Facebook. Ceux qui se disent pieds et poings liés semblent dont plutôt apprécier leur ravisseur.
CC, Jeanne Menj
En réalité, l’éternelle problématique est celle de la facture. Un service coûte de l’argent, et quelqu’un doit régler la note. Facebook a trouvé un modèle économique qui ne plaît pas à tout le monde. Mais tout autre site devra faire de même. Pour le moment, le projet d’Ello est assez flou. Il finira par se préciser ou mourir. Aussi différent soit-il, il ne sera pas gratuit, et il n’y a aucun mal à cela. Le design minimaliste ne suffira pas, et le service devra prouver sa capacité à devenir une réelle alternative, là où Google a échoué. Il n’y a aucune raison de ne pas lui donner sa chance. Une seule question se pose : comment désirez-vous payer? Cash? Débit? Crédit? Vie privée?
Par Raphael Gbl
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