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FME: regard sur la place des femmes dans l’industrie de la musique

Par Aglaé Pagé Duchesne – le dans Chroniques
La parité en musique, où en est-on? J'en ai jasé avec Jenny Thibault, cofondatrice et programmatrice du Festival de musique émergente (FME).

Cela fait quelques années déjà qu’on se questionne sur le phénomène de la parité en musique autant au Canada qu’à l’international. Au Québec, la question a été soulevée en 2017 par le mouvement Femmes en musique (FEM) composée de plusieurs artistes féminines, dont Ariane Moffatt, Coeur de Pirate et Safia Nolin.

FEM avait notamment écrit une lettre ouverte qui avait fait beaucoup réagir sur les réseaux sociaux. Tellement, que les médias québécois l’avaient reprise et cela avait fait son bout de chemin. Cela a évidemment eu des répercussions positives sur les nombreux événements se déroulant dans la province. En effet, depuis 2 ans, plusieurs festivals de musique ont augmenté le nombre d’artistes féminines dans leur programmation. Mais force est de constater qu’on voit encore trop peu de femmes sur scène.

J’ai profité de mon passage au Festival de la musique émergente (FME) pour m’entretenir avec Jenny Thibault, cofondatrice, vice-présidente et programmatrice de cet événement à propos de la place des femmes dans l’industrie musicale.

Peux-tu me parler un peu de toi?

Comment t’es-tu retrouvée à cofonder le FME et à travailler dans l’industrie de la musique?

Jenny Thibault
Christian Leduc | FME

«J’ai étudié en cinéma et en anthropologie. Je voulais faire des documentaires pour changer le monde! Quand j’ai terminé mon cours en cinéma, je me suis retrouvée à travailler sur des plateaux de tournage pour faire de la pub. Je me suis dit : « C’est pas ça que j’ai envie de faire dans la vie! » Alors j’ai commencé à travailler en événementiel.

J’avais déjà organisé des shows quand j’étais au cégep: des espèces de levées de fond avec 5 bands qui jouaient […] J’aimais le côté événementiel: c’est beaucoup l’adrénaline qui embarque, faut vraiment être agile avec les imprévus. Je trouvais que c’était un format que j’aimais bien.

C’est alors que j’ai rencontré Sandy Boutin [cofondateur du FME, président du CA et personne responsable de la programmation du festival]. Je le connaissais déjà, car y’est un peu plus vieux que moi et je me tenais avec son petit frère à l’école. J’ai commencé à organiser des retrouvailles abitibiennes à Montréal. On y faisait venir des artistes de l’Abitibi. Sandy était président de l’Association étudiante à l’université, à l’époque, et organisait des shows pour la rentrée. On a donc commencé à travailler ensemble sur ce projet-là et un moment donné on a eu cette idée: « Pourquoi on part pas un festival de musique ensemble à Rouyn? »

C’était en 2002. On a fait la première édition en septembre 2003. On avait 22 bands et 60 000 piasses de budget!»

À cette époque-là, considères-tu que c’était difficile pour les femmes dans l’industrie de la musique?

Naya Ali
Louis Jalbert | FME

«Oui! C’était une industrie très masculine. Je me faisais pas prendre au sérieux lorsque, par exemple, j’envoyais des offres. C’était pas du sexisme, c’était plus qu’on me prenait pas au sérieux. On me disait souvent : « Ah, je vais dealer ça avec Sandy ou avec Pierre Thibault. »

Y’avait pas beaucoup de femmes dans les labels. Les bookers, c’étaient très masculins. Mais depuis, y’a vraiment eu une très grande ouverture: y’a de plus en plus de femmes qui font du booking, de la programmation d’événements et qui travaillent dans les labels. Je sens que y’a une démocratisation à ce niveau-là.

Je trouve que les femmes prennent davantage leur place comme musiciennes, pour différentes raisons. Peut-être que le contexte est plus favorable aussi. T’sais, au départ, j’avais un chum musicien et je me rappelle que y’avait pas beaucoup de femmes qui s’inscrivaient en musique au cégep, par exemple. C’était surtout majoritairement des gars, peut-être parce que c’est surtout un métier non traditionnel: t’es appelé à beaucoup voyager et à vivre en tournée quand tu fais de la musique. Ça pourrait expliquer pourquoi ça interpelle moins les femmes.»

Cette année, le FME s’est tourné vers My Power de Martine Savard pour son visuel, une oeuvre féministe qui s’oppose au gouvernement d’extrême droite.

Pourquoi avoir décidé d’aller vers l’oeuvre très engagée de cette artiste?

Visuel FME
Martine Savard | FME

«C’est Karine Berthiaume, une autre cofondatrice du FME, qui est la directrice artistique du festival, qui a fait les affiches dans les 10 premières éditions et depuis la 11e, elle a dit: « Moi, je vais commencer à travailler avec des artistes de la région, je vais faire des collaborations et on va faire la direction artistique ensemble. » Donc, c’est elle qui a approché Martine Savard. Je pense qu’il y avait vraiment un statement politique par rapport à la place des femmes dans l’industrie de la musique […], mais t’sais, on a toujours été champ gauche au FME. Par sa nature, on a des shows très tard le soir, on a du gros rock dans la programmation. On est pas grand public.

Puis depuis l’arrivée de plein d’autres festivals en région – La Noce, Le Festif! -, on s’est posé beaucoup de questions: c’est quoi notre couleur, c’est quoi notre ADN à nous? Est-ce qu’on est comme le Festif!? Non, Rouyn, c’est pas bucolique comme Baie-St-Paul.  Nous, c’est moins familial, c’est plus des shows tard, pour les mélomanes, avec une programmation un peu plus edgy. On veut garder notre petit côté underground

D’après l’article «Festivals de musique québécois: où sont les femmes?» paru sur Radio-Canada, vous avez augmenté de plus de 10% la proportion des femmes dans la programmation de votre festival entre 2017 et 2019 (chapeau!).

Quelles ont été les stratégies mises en place par le festival pour y parvenir?

Motherhood
Louis Jalbert | FME

«Majoritairement, je crois qu’il y a plus de projets qui sortent. On a des projets féminins très forts et bons. Viser la parité, c’est difficile. On la vise, mais faudrait que dans la production, ça se fasse. Disons que si chez Factor et Musicaction, des entités qui financent les projets, arrivent à la parité, nous on va être pas loin d’un portrait de famille de ce qui se fait dans l’industrie.  Des fois, il y a des projets qui ne fonctionnent pas parce qu’il y a des contraintes au niveau de l’horaire.

Aussi, sur le comité de programmation, on est rendues deux femmes. Il y a aussi Marilyne Lacombe du Psych Fest de Distorsion qui est une nouvelle programmatrice qu’on est allé chercher parce qu’on était Pierre, Sandy et moi depuis le début.»

MUTEK et 45 autres festivals se sont engagés auprès de PRS Foundation à atteindre la parité d’ici 2022.

Est-ce que c’est quelque chose qu’éventuellement le FME pourrait se donner comme objectif?

Salomé Leclerc
Louis Jalbert | FME

«Oui, je pense que c’est quelque chose que je pourrais soumettre à mon comité de programmation. J’ai beaucoup travaillé à l’ONF, en cinéma documentaire, parce que le FME, c’est du volontariat: les membres fondateurs et les gens sur le comité d’administration font ça de manière passionnée et dévouée. Et l’ONF a fait l’annonce de la parité il y a 2 ans; c’est très complexe à gérer. Je ne pense pas qu’il faut que ça se fasse au détriment des hommes non plus. Je crois que ça doit être les meilleurs projets overall. Je me suis dit à l’ONF: les producteurs vont dealer ça comment? C’est un casse-tête assez compliqué à gérer.

Il y a de plus en plus de femmes et il faut encourager ça. Je crois qu’il faut qu’il y ait des femmes dans des postes stratégiques décisionnels. Des fois, il y a des labels qui vont dire qu’ils ont des femmes dans leur bureau, mais ces des adjointes et des attachées de presse. On doit s’assurer que les femmes soient impliquées dans les comités éditoriaux des labels pour choisir qu’est-ce qu’on programme en plus d’encourager les femmes à jouer de la musique. C’est ça le nerf de la guerre.»

 

Bref, comme l’a si bien dit Jenny Thibault, c’est prépondérant que les femmes soient présentes dans toutes les sphères organisationnelles d’un festival, et surtout sur scène. On se doit également, en tant que société, d’encourager les femmes à faire de la musique et à prendre leur place si on veut une culture diversifiée. Il ne faut toutefois pas que cela se fasse au détriment d’un bon projet musical!


Crédit photo couverture: Dominic Mc Graw | FME

Source Radio-Canada

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