Le mal de la modernité

Cette semaine, j’ai échappé au moins 26 fois mon pauvre iPhone 4S, qui, malgré sa mince existence d’à peine deux ans, me crie que l’heure de la retraite approche. Malgré tout, il refuse de casser. Il me pardonne chacune de mes maladresses en restant intact, pareil comme s’il ne savait pas que j’espère de tout mon cœur le remplacer pour un modèle plus jeune. Y’a aucun problème avec celui là, c’est juste pas de mon temps de conserver de la vieille technologie jusqu’à temps que ça pète. Un peu comme les relations humaines, quoi.

Nos écrans nous rassurent, nous donne un break d’étude pis des fois de la réalité. C’est comme si notre manque d’affection collective dans la vraie vie se faisait compenser par une couple de likes, par un snapchat vidéo ou bien un texto. On est tous un peu TDAH quand il s’agit de nos appareils mobiles, ça comble notre besoin de surstimulation quand on se retrouve seul dans un café ou bien dans l’inconfort du silence. On se surprend, des fois, à regarder l’écran pour la 10^e fois en 5 minutes, comme si un miracle allait apparaître. Comme si à force de faire refresh sur « l’actualité » de nos vies y’allait avoir une notification qui allait tout changer, pas une insipide invitation de Candy Crush ou encore un small talk qui nous tente pas dans un lieu public. On se plug comme sur la Matrice, on fait rarement le choix de la liberté parce que ça voudrait dire d’affronter la réalité, pis on n’est pas toujours prêts. Tu me diras que j’exagère. C’est quand la dernière fois que t’as pris une pause d’études dehors au lieu de sur le profil facebook du beau gars en comm.?

Ce qui est triste, c’est que rien ne nous apprendra à nous sevrer de l’écran, mis à part une nouvelle dépendance. C’était le téléphone en 90, l’internet en 2000 pis probablement la TV couleur un peu avant ça. On est comme ça les humains, on patch le vide intérieur comme on peut, pas souvent de la bonne façon. On oublie pendant quelques minutes qu’on mène pas tout le temps la vie qu’on voudrait, en s’en créant une qui nous tente, virtuellement. On reproche même aux non-dépendants de pas être joignables tout le temps, quand ils mettent plus que 30 minutes à répondre ou qu’ils ont manqué de batterie pis qu’ils s’en foutent. Parce que leur cœur à eux s’effrite pas à la même vitesse que la durée de vie de ton iPhone pas chargé. Dans un monde où le journal Le Soleil a son propre Pinterest, pas mal évident que tu te sois créé une identité à part, qui fait plus ton affaire pis qui ressemble zéro à ton quotidien, le vrai. Pas étonnant que tu ailles te rassurer toutes les deux heures que ton ex n’ait rien publié de nouveau, ou que son top 3 snapchat n’ait pas de nom de filles que tu connais pas.

Peut-être qu’un jour on essaiera de se donner de l’amour pour de vrai au lieu de liker mutuellement nos photos Facebook ou bien qu’on ira la prendre pour vrai cette bière-là, sans le mentionner sur les réseaux sociaux, juste dans le blanc des yeux, le cellulaire pas sur la table pis le cœur qui va mieux.

Par Chanel Garceau
Collaborateur spontané

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