Réseaux sociaux : quand la vie devient un objet
CC, Sukanto Debnath
Vous venez de rompre et êtes dans un bar avec votre meilleur ami. Vous lui racontez votre malheur, quand soudain, il n’est plus vraiment là. D’une vibration, son téléphone vous a signifié que chaque mot prononcé sera désormais parfaitement vain. Bien sûr, vous continuez à parler. S’arrêter l’inciterait d’autant plus à regarder ce foutu message. Mais vous le savez, il est déjà trop tard et le compte à rebours a débuté. Une seconde et demie plus tard, son téléphone est entre ses mains. Son visage éclairé par la lumière froide de l’appareil s’habille d’un sourire en coin. Vous n’en connaitrez jamais la raison, car cela ne vous concerne pas. Votre verre de Pinot Grigio est vide. Vous commandez une vodka, et sortez votre téléphone.
Faire voir plutôt que voir
Pourquoi préfère-t-on aujourd’hui ce qui est absent à ce que l’on a en face de soi? Non pas que l’on fasse les mauvais choix. Ne vous en faites pas : celui qui a envoyé ces fameux messages se sentira également bien seul, une fois à votre place, au moment ou votre ami recevra les vôtres. Sommes-nous à ce point esclaves des autres pour ne pas envisager de les faire patienter plus de quelques secondes?
CC, Jeff Sass
Cyrille de Lasteyrie, aka Vinvin, raconte son addiction aux réseaux sociaux et résume parfaitement la chose: « la vie devient un objet, pas une fin en soi ». L’appréciation de ce qui nous entoure ne se forge que par celle des autres. Qui, en se retrouvant devant un somptueux ciel crépusculaire, n’a jamais pensé à le prendre en photo avant de l’apprécier lui-même? Une fois le cliché pris, retouché, instagramé, et facebooké, il est probable que le paysage ne soit jamais apprécié par une rétine humaine.
Et l’écran devient miroir
Nous serions donc tellement généreux que nous voudrions donner aux autres avant de profiter? En réalité, c’est plutôt l’inverse. Notre seul objectif est d’accumuler de la visibilité, et donc de la reconnaissance. Le partage (le mot le plus à la mode en ce moment) n’est fait que pour recevoir. Cet écran qui, avec le projet d’internet, devait être une porte ouverte sur le monde se transforme en petit miroir de salle de bain, reflétant un vilain selfie à contrejour.
On parle souvent d’addiction à internet, à son téléphone, ou encore aux nouvelles technologies. C’est confondre le contenant et le contenu. Tout outil mal utilisé peut servir au crime. En réalité, les réseaux sociaux ont perverti l’utilisation du web. Leur utilité est aussi évidente que leur capacité à shooter l’utilisateur avec sa dose de reconnaissance quotidienne. Il y a cinquante ans, la télévision offrait son quart d’heure de célébrité. Internet amène une explosion de nanosecondes de gloire. Sauf que cette dose homéopathique provoque une addiction qui a certains points communs avec la toxicomanie, démonstration chimique à l’appui. Pourquoi ne pas tenter une cure de désintoxication me direz-vous? Petit problème. La drogue, c’est nous-mêmes.
Par Raphael Gbl
Collaborateur spontané
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