Autopsie d’un deuil

Ça vient en 7 étapes (pas) faciles. Ça se trouve dans n’importe quel livre de psycho, pareil comme si ça pouvait venir avec un mode d’emploi. On est censés suivre les étapes précises pour s’en remettre, pour que le motton dans gorge dans l’estomac pis dans les yeux s’évacue comme il faut. Comme si l’hiver en dedans allait se régler avec une opération de déneigement. On trouve rarement les mots justes pour exprimer à quel point le départ de quelqu’un qui comptait pour vrai est en train de nous paralyser. C’est avec le souffle coupé, le sommeil et l’appétit supprimé que tu passes tes premières journées sans elle. Quand finalement tu réussis à trouver 2 heures de sommeil, l’engourdissement te recharge le coeur, hypocritement. Exactement comme le 2% de pile que ton cellulaire réussit à accumuler quand tu le recharges le temps de te changer avant de repartir, faut pas s’attendre à un miracle de résilience ici. Y’est juste trop de bonne heure encore. T’accumules les « pourquoi », parce que jamais t’aurais pensé manquer de temps. Manquer de temps pour lui dire tout ce que t’aurais voulu, pour te faire une réserve inépuisable d’amour et de souvenirs. Pour la remercier de t’avoir donné assez pour ne jamais l’oublier et la laisser partir.

Perdre quelqu’un, c’est souhaiter des fois que le monde s’arrête de tourner. Qu’on cesse de promouvoir le nouvel iPad et que Yamaska ne soit pas diffusé ce soir. C’est pas comprendre pourquoi les autres autour rient, travaillent et dansent toute la nuit. C’est vouloir leur crier que nous on arrive plus à suivre, que notre existence et tout ce qu’on croyait connaître de la vie a implosé. Parce que la mort a eu beau nous la voler, l’univers de cette personne là a pas cessé pour autant d’exister. Elle a encore une identité, un statut social, une spécialité culinaire et surtout beaucoup d’histoires que son entourage se rappellera, avec un pincement au coeur à chaque fois. On aura de la difficulté à ignorer sa chanson préférée à l’épicerie, à ne pas suffoquer lorsque son odeur nous reviendra. Chercher à comprendre l’inexplicable, l’inacceptable et pardonner à la vie de t’avoir fait ce coup là ne se fait pas du jour au lendemain, bien malgré nous.

Ce qui fait le plus peur, c’est d’oublier. Oublier le son de sa voix, oublier ce qu’elle mettait dans son café, oublier des détails de ce dernier moment passé en sa compagnie, où on aurait du tout enregistrer pour se le repasser en boucle jusqu’à ce que la douleur finisse par lousser. C’est réaliser qu’un jour on aura vieilli, mais pas elle, qu’elle sera restée figée dans le temps, qu’elle n’aura jamais eu l’occasion de voir notre diplôme, nos enfants et tous les fous rires qu’on finira par avoir sans elle. C’est d’accepter que de continuer à avancer seul est la seule possibilité viable et qu’être heureux, même sans sa présence au quotidien, n’est pas l’oublier ni l’abandonner. C’est de continuer à célébrer chaque jour qu’elle a laissé derrière tout en croyant à de meilleurs jours. En lui faisant une petite place intemporelle où l’on va se réfugier lorsqu’on en ressent le besoin, pour toute la vie. Et ainsi, elle vivra à jamais. Une petite étoile qui réussit à briller une nuit de tempête.

And if I don’t meet you no more in this world, then I’ll meet you in the next one… and don’t be late.

Par Chanel Garceau
Collaborateur spontané

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