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All by myself

Par Marie-Audrey Perron – le dans Bien-être, Divertissement, Santé

Salut Elena.

Alice. Thomas. Maelle? Alexis.

Je ne saurai jamais comment tu t’appellerais. Est-ce que j’aurais un nom tout prêt pour toi ou est-ce que ta petite binette m’inspirerait à ta naissance? Est-ce que tu serais blonde? Je ne le sais pas. Je ne le saurai jamais.

Tu ne viendras jamais au monde.

Comprends-moi, je choisis consciemment de ne pas avoir d’enfants. Un peu par égoïsme. Un peu par dégoût de ce monde. Je m’excuse. J’ai besoin de faire ce bout de chemin All By Myself.

Ce n’est pas facile de choisir de ne pas devenir mère. Les gens autour de moi ont tendance à croire que je ne pourrai jamais être «complète» si je n’ai pas d’enfants. C’est aussi difficile de se satisfaire de son choix. Est-ce que, un jour, à 74 ans, j’ouvrirai des yeux pleins de larmes en regrettant l’enfant que je n’aurai pas eu? Peut-être. Comme dirait Céline Dion, it’s hard to be sure. Sometimes I feel so insecure. Mais parfois, c’est peut-être mieux de se privilégier.

Je ne serai jamais capable de faire passer quelqu’un avant moi. Ma carrière, mes ambitions, c’est ce qui compte à mes yeux. J’aurais le coeur déchiré entre toi et la possibilité d’aller faire un reportage au fin fond du Sahara. Entre ton spectacle de ballet et les trésors de l’Orient. Entre les présidentielles américaines et ta sortie avec les scouts. L’aventure m’appellerait. Je t’en voudrais. Je ne veux pas t’en vouloir.

Je ne veux pas fermer les yeux en t’entendant pleurer pour m’imaginer au coeur de la forêt amazonienne à la place. Je ne veux pas tirer ta couverture en imaginant enfoncer mes doigts dans le sable. Je ne veux pas te maudire quand tu seras malade parce que je pourrais être sous la chaleur des tropiques au lieu de m’occuper de mon petit poussin fiévreux.

Je ne veux pas que tu sois dépendant de moi. Je ne veux pas être dépendante de toi. I never, never, never, never needed anyone. Je suis une louve solitaire et la lune m’appelle plus fort que la maternité ne pourra jamais le faire.

Ça, c’est mon côté égoïste. Mais j’ai aussi peur, pardonne-moi, je suis peut-être une louve, mais une louve sans meute est une louve perdue.

Je ne veux pas te mettre au monde dans un univers où la première question qu’on te posera si tu te fais violer, c’est comment tu étais habillé(e). Je ne veux pas qu’on se moque de toi si tu préfères le rose au bleu. Je ne veux pas de toi dans un univers où tu risquerais la mort si tu étais transsexuel. Où tu serais le rejet de ta classe si tu étais homosexuel.

Je ne veux pas de toi dans un monde où la religion déchire et tue. Je ne veux pas de toi dans un monde où les États peuvent être gérés par un être invisible et muet. Je ne veux pas de toi dans un monde où la guerre est un fléau de plus en plus coutumier.

Je ne veux pas de toi dans un monde où les arbres sont de plus en plus rares et les pénuries de plus en plus la norme. Je ne veux pas de toi dans un monde où tu ne connaîtrais pas les ours blancs. Je ne veux pas de toi dans un monde où tu devrais te couvrir le visage pour respirer.

Je ne veux pas de toi dans un monde où être Noir peut être considéré comme un crime. Je ne veux pas de toi dans un monde où les femmes amérindiennes disparaissent dans le plus grand silence. Je ne veux pas de toi si t’avoir métis pourrait signifier une vie de tourment.

Je ne veux pas de toi dans un monde où faire le métier que tu aimes signifies probablement que tu n’auras pas d’argent. Où tu n’auras pas de fond de retraite, pas d’argent pour t’acheter autre chose que du fast-food, où la peur de manquer de fonds te tordra l’estomac chaque jour un peu plus.

Console-toi. Je ne serai jamais une bonne mère. J’ai peur des araignées. J’hais ça, faire du ménage. Je partagerais ta conception sur la haine du brocoli. Je ne pourrais pas jouer au baseball avec toi sans t’envoyer la balle en plein dans la face. Ton chandail préféré serait toujours un peu sale, parce que j’ai tendance à oublier de faire du lavage.

Mais, quelque part, dans un univers parallèle où on est tous les deux des étoiles, tu brilles près de moi. Pis un jour, on va exploser en million de grains de poussières, et quelqu’un, sur la terre, chuchotera un je t’aime à son amant et te créera, petit être parfait, que je n’ai pas su vouloir, mais que je saurai saluer au détour de la route, quand un petit inconnu me remerciera d’avoir attaché ses souliers, les yeux pleins d’étincelles, et nos chemins fileront de nouveau comme des étoiles filantes loin l’un de l’autre.

Céline Dion a changé d’avis. Those days are gone. Don’t wanna be all by myself. Pis c’est correct. Y’a des loups qui se trouvent une meute. Pis y’a d’autres loups qui hurlent la nuit, solitaires mais heureux, éphémères mais grandioses, sans enfants, mais avec des rêves qui font vibrer leur coeur.

Je suis désolée. Je suis certaine que tu aurais été beau. Que tu aurais été la parfaite ballerine. La plus belle peintre. Le plus doué des ingénieurs. La plus ambitieuse des policières.

Mais j’ai choisi de vivre ma vie All by myself.

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