Captivant Cyrano

Tout d’abord, je dois vous confier que, comme plusieurs fanatiques de théâtre légèrement zélés, Cyrano De Bergerac est une des mes pièces préférées. En nerd assumée, j’admets également que j’entretiens un crush assez intense sur ce héros depuis l’adolescence.  Cyrano est un turbulent mousquetaire et poète, secrètement amoureux de sa cousine Roxanne; il n’ose lui avouer son amour à cause de son nez interminable. L’histoire se complique lorsque Roxanne en fait son confident et lui avoue son amour pour le soldat Christian de Neuvillette; ce dernier se confie également à Cyrano et lui demande de lui prêter ses talents de poète car il est incapable de parler d’amour pour charmer la belle Roxanne. C’est à travers des duels héroïques, des tirades flamboyantes et des éclats de rire que s’ensuivra un des triangles amoureux les plus captivant de la dramaturgie française.

Le soir de la première, j’étais donc plutôt fébrile sur mon siège de velours rouge en attendant l’ouverture du rideau, en réfléchissant sur le choix particulier du metteur en scène Serge Denoncourt, d’offrir ce rôle légendaire au comédien Patrice Robitaille. On peut se l’avouer, ce choix est surprenant étant donné que Robitaille est devenu l’interprète du Québécois moyen, souvent macho, au grand comme au petit écran. J’avais très hâte de voir si ce curieux mélange allait s’avérer gagnant ou bien complètement désolant.

En entrevue, Patrice Robitaille a qualifié  Cyrano comme étant le rôle le plus difficile de sa carrière, avec 1600 vers à mémoriser et un rôle très physique comprenant plusieurs scènes d’escrimes. Mais oh boy que nous n’avons pas été déçus. Robitaille avait à peine enchainé ses premiers alexandrins que nous étions sous son charme. C’est d’une voix assurée et toute en nuance qu’il a entamé vers après vers une longue tirade de près de trois heures.  Ce n’est pas pour rien que l’acteur principal a eu droit à une ovation d’une quinzaine de minutes à la fin du spectacle.

Cyrano de Bergerac, une pièce en cinq actes,  est reconnue comme étant particulièrement difficile à monter; avec un rôle titre imposant, de nombreux personnages, des décors qui sont très différents d’une scène à l’autre et diverses scènes de batailles, c’est un projet très ambitieux. Cette production du TNM n’est pas la première adaptation de la pièce d’Edmond Rostand à laquelle j’assiste, mais je peux vous affirmer que c’est, sans aucun doute, la plus mémorable.  Nous avons eu droit à un Cyrano grandiose… éloquent, irrévérencieux, émouvant et que dire de ce nez… j’en perds mes mots.

L’ensemble des comédiens ont tous aussi livré une performance juste et énergique, malgré une  Roxanne (Magalie Lépine-Blondeau) qui manquait quelques fois d’assurance. Serge Denoncourt signe une mise en scène audacieuse qui met en évidence l’humour subtil de Rostand et la dextérité de ses comédiens.

Cyrano de Bergerac est une œuvre théâtrale gigantesque – tant par son nombre de vers que par son statut d’œuvre légendaire. De tels classiques nous intimident parfois car nous imaginons une pièce de théâtre sans fin, aux dialogues archaïques; ou encore cela nous rappelle la dissertation de 15 pages à rédiger sur l’anti-héros à l’université. Mais je vous assure que Cyrano saura vous surprendre, autant par son audace et son charme, que par son nez (que je trouve d’ailleurs de plus en plus sexy).

Présenté par le Festival Juste pour Rire, Cyrano de Bergerac sera à l’affiche du Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 16 août.

Par Audrey Champagne
Collaboratrice spontanée

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