Le coeur en girouette
Le cœur s’étourdit de tant de changements de direction. Mais comme le vent ne se contrôle pas, les étourdissements du cœur semblent inévitables. Mon cœur vacille et vibre au rythme irrégulier du quotidien.
C’est là toute la beauté du cœur, il ne prend que très rarement en compte les différents paramètres. Il se contente de ressentir, de vivre. La raison n’est pas son champ d’expertise. Il contredit d’ailleurs régulièrement la logique, j’ai même l’impression que parfois il le fait par plaisir malin.
Mes décisions viennent du cœur, très rarement de calculs précis. Le risque me garde en vie, il m’attire, même. Pour que mon cœur batte, je dois foncer vers ce qui me fait peur. Ce qui me glace le sang, ce qui me réveille la nuit, ce qui m’angoisse. J’ai fait beaucoup de choses dans ma vie parce que j’ai beaucoup peur. Mon cœur a besoin de cette adrénaline pour vivre. Il a besoin de se sentir déstabilisé. Il n’aime pas la stabilité ni la routine. Il veut pouvoir changer de directions mille fois par seconde.
Quand on est enfant, naturellement, c’est notre cœur qu’on écoute. En vieillissant, on apprend à repousser et étouffer les murmures du cœur. On doit se conformer à des normes et éventuellement, entrer dans un cadre dont le moule restreint les mouvements. La raison clame le trône et on le lui laisse sans trop d’opposition.
Il m’arrive de faire face à des situations où mon cœur est meilleur que ma raison. Je voudrais bien être fâchée, mais mon cœur, plus sage que ma tête, laisse échapper un sourire. Je perds alors toute crédibilité, et puis quoi. Mon cœur fait bien ce qu’il veut; il n’a pas d’orgueil, car il n’en a pas besoin. L’orgueil créé de la distance, il brise les autres cœurs et ne pardonne pas.
Et puis, sans gêne, je n’ai pas peur de changer d’avis. S’il y a juste les fous qui ne changent pas d’idée, c’est sans doute un peu grâce au cœur. On a tout de même comme première réaction l’idée qu’une apparente incohérence est synonyme de folie. Peut-être un peu. La belle folie, la grande qui nous remplie de vie et d’inspiration, celle-là, le cœur y carbure, le mien du moins. La folie démente, elle, finit par nous atteindre quand on écoute trop notre tête et pas assez notre cœur. D’ailleurs, on dit perdre la tête et non perdre le cœur…
On a parfois tendance à l’oublier, au risque de pointer une évidence, mais le cœur est ce qui nous garde en vie. On devrait prendre le temps de l’écouter davantage. Cesser de le museler. Accepter ses battements irréguliers, ses envies de tourbillonner dans tous les sens.
On devrait le laisser guider nos pas sans constamment le remettre en question. Le cœur est pur, il n’a pas d’autre motivation que de battre pour nous. Il n’est ni mesquin ni indécent. Il a une petite voix qui circule à travers chaque vaisseau de notre corps. Son message est simple et apaisant. Laisser parler le cœur, le laisser nous guider, c’est un peu naviguer à contresens de ce qu’on nous dit.
Avoir le cœur en girouette, c’est accepter d’avoir l’air un peu fou, un peu insensé. C’est d’accepter de se laisser frôler par le vent et devant cette légèreté, virevolter là où le cœur décidera de nous mener.