Ben voyons… Tu manges pas?
Dans le cadre de ce dossier spécial sur les troubles alimentaires auquel j’ai accepté de collaborer, je ne reviendrai pas sur ce que ça peut faire en dedans, d’être pris. De pas pouvoir vivre normalement le rituel des repas, ni d’apprécier réellement la nourriture. On passe souvent à côté d’une floppée d’autres victimes, les collatéraux. On oublie que le quotidien des proches d’une personne atteinte mange la volée de sa vie, lui aussi.
Parce que ça représente pas juste des angoisses et obsessions personnelles, bien que ça soit pas négligeable. C’est aussi un amoureux qui est à cours de mots qui font du bien, une mère qui craint le pire, qui craint qu’on lui arrache son enfant parce que l’hopîtal est la seule solution. C’est des amis qui questionnent et qui lâchent difficilement prise sur le peu que tu réussis à ingérer. La subtilité a une faille et tôt ou tard d’autres vies seront bombardées. D’autres vies qui ne comprendront pas sur le coup. Parce que cette logique-là que toi-même tu sais dégueulasse, mais qui te mène, ben elle les mènent pas. Ils verront pas à quel point tu veux qu’ils soient aveugles et qu’ils te laissent faire, en même temps tu souhaiterais juste qu’ils te sauvent. Ils ne comprendront pas que t’arrives pas à te dire que c’est pas grave, qui faut que tu restes en vie et saine, peu importe ce que ça te fait en dedans.
À grands coups d’amour pis de «Mange un peu», les proches mettent leur vie sur pause pour essayer d’en sauver une autre, en ayant la difficile tâche d’accepter de se faire mentir, de voir des rechutes tout de suite après une lueur d’espoir. Jamais ils n’acceptent de cesser de se battre pis de juste lâcher prise. Parce que non, même si toi t’as décidé de te manquer d’amour, ça a jamais été leur cas. C’est envahissant cet amour-là. C’est dérangeant aussi parce que tu voudrais donc garder le contrôle pis continuer à t’infliger cette souffrance là en paix. Parce que tu mérites tellement mieux, mais tu le sais pas encore. La bataille entre la petite fille qui a besoin d’eux et de la «toxicomane» manipulatrice qui voudrait les garder éloigner ne cessera jamais parce qu’au-delà de ton incapacité à fonctionner normalement, y’a aussi le fait que les garder loin ça les garde à l’abri de toi, à l’abri de la peine qu’ils vont avoir à chaque kilo que tu perds. Mais eux, ils ne comprendront pas.
Pis faut surtout pas que ça change non plus. Parce que c’est inacceptable. Parce que ça fait mal pis que la maladie aura jamais le droit de gagner. Parce que c’est leur amour qui peut réussir à tout changer, à te sauver pour que tu vois tout ce que tu pourras accomplir, tout ce que tu vivras de beau quand tu iras mieux, quand tu dealeras mieux avec ton quotidien.
Par Chanel Garceau
Collaborateur spontané
Tu veux que ton texte soit publié sur lesnerds.ca? Voici comment:
Soumettre un texte spontané