Ma (pas méchante) belle-mère

Mes géniteurs ont pris des chemins séparés quand j’étais même pas en âge de trouver ça triste. Je ne sais pas ce que c’est que de voir ses parents amoureux dans le quotidien. De voir ses parents ensemble aux remises de bulletin, à l’urgence, à ma graduation. Je vis avec deux sets familiaux depuis toute la vie.

Pas avoir connu ses parents ensemble, c’est aussi avoir eu d’autres personnes dans sa vie. Des personnes qui restent, d’autres qui quittent. C’est s’attacher à une figure presque parentale, sans pour autant l’identifier comme parent. C’est pas savoir si on pourra dealer avec ce nouveau lien, avec cette demande de confiance, de place dans nos vies. C’était dont bien pas ça le scénario de départ, on devait dont pas avoir deux maisons et deux portraits de famille. Ça devait pas se passer comme ça.

Ma belle-maman et moi, ça dure maintenant depuis 21 ans et quelques. Ça devait pas se passer comme ça pour elle non plus. Elle devait pas avoir une enfant inconnue dans sa vie. Une enfant pas toujours facile, une enfant en trop bas âge pour comprendre ce qu’elle faisait là. Je suis pas mal certaine que lui avoir demandé son avis sur ce qu’allait être sa vie, je pense que le deuil de sa propre famille-parfaite-pas-reconstituée figurait pas en haut du palmarès. Elle devait pas dealer avec l’ex de son amoureux pour toute la vie. Ça devait se passer autrement.

J’ai pour mon dire que les trajectoires imparfaites nous amènent les plus belles histoires. Dans ma belle-maman j’ai plus souvent qu’autrement trouvé une alliée en or. Des fois c’était pour tempérer mes discussions moins faciles avec mon paternel, des fois c’était pour se faire discrète lors de mes premières règles, des fois c’était parce qu’elle s’inquiétait des problèmes de celle du milieu, fille de sang ou pas. Ma belle-maman m’a aimée sans condition, sans rien attendre en retour, beau temps mauvais temps. Ma belle-maman m’a appris que dans un scénario brisé, fallait apprendre à recommencer. Ma belle-maman m’a donné l’amour de ma vie, ma petite soeur, et un grand frère pour la vie. Sans jamais s’imposer comme remplaçante de ma mère, sans jamais me prendre quoi que ce soit de mon père.

J’ai 25 ans aujourd’hui. Pas du tout à l’abris de voir mon propre scénario scrappé, de devoir aimer des petits inconnus sans trop me poser de questions, sans trop en demander en retour. Heureusement, j’aurai toujours une alliée pour me conseiller sur les aléas de la vie, autour d’un bon café.

Par Chanel Garceau
Collaborateur spontané

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