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J’ai d’autres qualités : ma première pire journée

Par Ève Landry – le dans Chroniques

À l’époque de cette histoire-là, j’étais jeune. C’est fâchant parce que je pourrai jamais dire « quand j’étais petite », ce serait faux.

Quand j’étais jeune, donc, je dépassais tout le monde de trois têtes. Fait que, je me ramassais toujours en arrière dans les rangées ou pendant les photos de classe pis, pour de vrai, c’est venu briser quelque chose en dedans de moi. C’est exigeant de me mettre à l’avant-plan, astheure. Je vis constamment dans l’ombre des autres même si les trois têtes en trop ont fini par disparaître. Je ne suis plus un géant. J’ai même une belle sélection de talons hauts dans mon garde-robe. Je tiens juste à préciser que tout le monde peut chausser des talons si ça lui tente. À toutes les géantes qui se sentent stiletto aujourd’hui, je dis : « you go, girl ».

Anyway.

Je devais avoir six ans, parce que c’est l’âge où tu rentres en maternelle si tu fais pas partie des petits génies qui l’ont eu facile. Non, mes parents ont préféré me faire profiter de l’époque où je pouvais manger de la terre pis me salir les genoux. Très tôt, j’ai appris une leçon importante pour le reste de ma vie : la terre, c’est wash. J’en ai aussi mémorisé une seconde que je dois me rappeler de temps à autre : mon existence se prend pas trop au sérieux, fait que force-toi pas trop fille ça va partir en couille de toute façon (oui, oui, partir en couille, je dis ça).

Parce que, oui, ma vie a de la misère. Rien de tragique, c’est juste avec les petites choses. Quand elles arrivent, mon existence les échoue. À force d’avoir l’air folle en public, de me pogner les doigts dans des portes qui claquent ou de trébucher maladroitement dans le vide total, j’en suis venue à laisser tomber mes rêves d’être le modèle de vie de quelqu’un. À la place, j’ai décidé de travailler sur l’acceptation du ridicule, de me rappeler quotidiennement que je suis attachante en hochant vivement la tête, que je l’ai peut-être pas, mais que j’ai d’autres qualités.

Pis ça a commencé tôt, mon incapacité à gérer le quotidien.

C’était ma première journée de maternelle, le fameux moment de léger traumatisme où tu comprends que ta maman veut pas te garder à la maison pour l’éternité. Bon. Faut que tu comprennes quelque chose avant que je continue mon racontage d’histoire mi-triste mi-c’est-drôle-parce-que-c’est-pas-à-moi-que-c’est-arrivé. Quand j’étais une jeune fille frivole, les brosses à cheveux et moi n’étions pas tout à fait des bff. Fait que, découragée de me courir après pour me démêler la tignasse, ma maman avait préféré me couper les cheveux. Courts. Vraiment courts. Trop courts. À six ans, malgré ma robe à fleurs trop cutie, j’avais invariablement l’air d’un ti-gars. Pour compléter le beau portrait, j’avais une de mes dents de lait d’en avant qui avait décidé qu’elle avait fini sa job de croissance. Bref, j’avais plutôt la confiance fragile.

Mais je fake, maudit que je fake bien. J’ai l’air aussi en contrôle que les filles dans America’s Next Top Model quand elles défilent sur le runway. À six ans, mes cheveux courts pis mes dents en moins, je « you go, girl » pas à peu près.

De la fenêtre de ma chambre d’enfance, je pouvais apercevoir la cour d’école. Laisse-moi te dire que j’avais hâte de mettre les pieds-là. J’envisageais le primaire comme la plus belle expérience de ma vie. De la peinture à doigt pis des collations all day : en veux-tu du bonheur, en v’là. Le matin de mon premier jour de classe, j’avais mis ma belle robe à fleurs. Je me sentais princesse en maudit, le monde m’appartenait. Ma maman m’avait préparé un lunch qu’elle avait emballé dans ma toute nouvelle boîte à lunch Winnie the Pooh. Je l’avais choisie toute seule comme une grande pis je me pouvais pu de me sentir cool quand je la transportais fièrement dans ma main. J’entrais en maternelle, à cet âge-là, les boîtes à lunch c’était encore généralement accepté.

Ma maman pis mon papa m’avaient accompagné jusqu’à la cour d’école. Comme tous les autres parents, ils avaient attendu sur le trottoir en regardant leur petit ange faire son mini bout de chemin dans la vie. Regarder leur petit ange avoir peur un peu. Regarder leur petit ange ne pas trouver son professeur. Crier : « là-bas, Ève, proche des ballons poire ». Rien dire au moment où leur petit ange gambade dangereusement vite en direction de la grosse roche au sol. Voir leur petit ange en très HD s’enfarger dans la grosse roche. Retenir leur souffle en voyant leur petit ange s’étaler de tout son très long au sol. Courir jusqu’à leur petit ange. Ramasser la belle boîte à lunch. Ramasser le petit ange. Dans cet ordre-là. Ramasser le contenu de la belle boîte à lunch qui s’est éparpillé à travers la cour d’école. Regarder le petit ange pleurer la totalité de ses réserves de gêne.

Ça partait mal.

Je me sentais petite en maudit.

La cour d’école me fixait, mes parents aussi. Je sentais la honte m’emplir le corps pis me rougir les joues. Mon égo me rentrait par en dedans, les larmes me sortaient par en dehors. C’était pas glorieux pis je voyais les sourires mi-triste mi-c’est-drôle-parce-que-c’est-pas-à-moi-que-c’est-arrivé des autres enfants. J’en suis venue à l’évidence, je serais jamais la reine de cette cour d’école là.

Ma mère m’a tendu ma boîte à lunch. Je l’haïssais, ma boîte à lunch, j’étais convaincue que l’existence se vengeait contre moi d’avoir choisie celle-là. Je voulais pu rien savoir de mon repas préparé avec amour par ma mère. Je voulais tellement rien savoir que mon père a dû donner mon dîner à mon enseignante, parce que c’était ben sûr que je n’allais pu jamais vouloir y toucher.

Ma mère m’a regardée.

J’ai dit : « ça va, je suis grande maintenant ».

Je me mentais un peu à ce moment-là. Je voulais juste rentrer chez nous pour pleurer en boule en dessous de ma couverte de Winnie (oui, je suis une personne thématique). Ma débarque devant grand publique, mon bêchage magistral, mes genoux aussi scrap que mon honneur donnaient le ton pour les années à venir.

J’en ai voulu aux créateurs de boîtes à lunch longtemps. C’est normal de mettre la faute sur la première chose qu’on trouve, sur n’importe quoi d’autre que ses chevilles faibles. Ça rassure. J’ai retrouvé mon némésis Winnie y’a quelques jours en défaisant des boîtes. J’ai repensé à ma journée-brise-égo. J’ai réalisé comment que je l’ai toujours pas. Sauf qu’astheure, ça va. Je mets mes talons hauts pis je tiens droite, presque. La tête haute, la boîte à lunch dans une main, j’entre dans n’importe quelle cour d’école. Des fois, je trébuche.

Y’a rien à faire. Je suis pas cool.

Mais c’correct, j’ai d’autres qualités.

Maudit qu’est encore belle, ma boite à lunch.

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