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J’ai d’autres qualités : partir en voyage

Par Ève Landry – le dans Chroniques
Je venais d'avoir douze ans, je me sentais cool. Douze, ç'a l'air d'un bel âge quand tu connais pas encore le concept de la vingtaine. Ma meilleure amie (pour vrai de vrai, on avait nos bracelets pis toute) partait en Floride avec ses parents pour Noël. Partir en voyage, ça fait rêver les petites filles.

Elle m’avait jasé ça entre deux chocolats chauds pour finir par me dire qu’elle aimerait donc ben ça que je vienne. On a descendu les marches à la vitesse de l’éclair, j’ai manqué y laisser une de mes jambes pour atterrir au milieu du salon. Les poumons en feu, on essayait tant bien que mal de faire une phrase complète.

À voir la face du père à Coralie, ça ressemblait à tout, sauf à une phrase complète.

Y’a dit : « Calmez-vous, j’écoute Tout le monde en parle. » Ouin, y’a dit ça. C’était un vrai adulte, lui.

Notre premier défi

On est retournées dans la chambre à Coco pis on a travaillé notre présentation comme deux filles fraîchement diplômées d’un BAC en communication. On a passé tout en revue : transport, logement, coût, charge émotive à mettre dans notre discours. Je me suis donnée sur PowerPoint ce matin-là, parce que moi, dans ma tête, une présentation sans support visuel c’est un gâteau pas de crémage : agréable, mais pas tant que ça.

Grâce à mon travail acharné sur la suite Windows Office, on avait réussi notre premier défi. Les parents à Coralie étaient d’accord avec notre initiative. Je pouvais me greffer à leur famille le temps de faire l’aller-retour Montréal-Orlando. ON CAPOTAIT. On virait sur le top, on dansait dans le salon, on enterrait le son de la télé, mais ça dérangeait pas parce que c’était pas Tout le monde en parle.

Y restait juste mes parents

Fait que, j’ai sauté dans le char à mon père pour rentrer chez nous ce soir-là en me retenant avec toute la force du monde pour ne pas cracher mon projet drette sec sur le banc d’en arrière. Je ne me contenais plus, mais j’étais 100% convaincue qu’il valait mieux attendre encore et laisser la magie du support visuel faire sa job. Mon père voyait bien que je tenais pas en place. J’ai rien dit quand y m’a demandé ce que j’avais.

Je suis entrée chez nous en courant, j’ai tiré ma mère par le bras pis j’ai assis mes deux parents qui se demandaient ce qui me prenait. J’ai ouvert l’ordinateur pis j’ai parti le PowerPoint qui expliquait tout mon beau projet pis comment j’allais, du haut de mes douze ans, rembourser l’avance de fonds nécessaire à mon voyage.

Pis là, ma mère a dit « OK. »

Juste ça.

« OK. »

Elle m’a juste précisé que dans la vie, les États-Unis, c’est pas le Canada pis que, même si j’étais gentille, j’avais besoin d’un passeport. C’est là que j’ai paniqué parce que je partais dans deux jours. C’est là aussi que je me suis émerveillée d’apprendre que les passeports peuvent se faire en mode pressé-pressé si tu trouves le budget pour.

Trouver le budget pour partir

J’ai couru (pas vraiment, je me suis rendue en métro avec mon père) jusqu’au bureau des passeports pis j’ai regardé la madame du comptoir droit dans les yeux en y demandant le papier qui fait que je peux aller en Floride pour Noël. Mon père a géré le reste des démarches. Je sais pas exactement ce qu’il a fait, mais je pense que ça prend une carte VISA. L’important, c’est que j’allais avoir mon passeport.

Je suis rentrée chez nous, mon petit bout de papier dans les mains pis j’ai passé la soirée à essayer de faire rentrer du linge dans un sac à dos pas assez gros.

J’avais pas dormi de la nuit. J’avais les deux yeux grands ouverts à fixer mes bagages sur le plancher. Je n’avais jamais pris l’avion pis j’étais donc énervée de partir dans un autre pays. Toute la nuit, j’avais serré mon passeport dans mes mains en souhaitant ben fort d’être déjà rendue à Orlando.

Ce matin-là

Mon père m’a pas réveillée ce matin-là, vu que je dormais pas. Y’est entré dans ma chambre, j’avais déjà mon sac à dos sur les épaules. Y’avait l’air triste. Je me disais : « Calme-toi, papa, je vais revenir. » Mon papa, ce matin-là, a brisé mes rêves de plage pis de voyage. Le père de Coralie avait appelé le mien pour lui dire que les plans avaient changé, que ça allait coûter plus cher que prévu. Que ça fittait plus dans ma présentation budgétaire PowerPoint. On devait annuler.

C’était le pire matin de ma vie. J’étais fâchée après le monde pis, surtout, après le 140$ de passeport pour rien. Ça m’a pris beaucoup de minutes avant de recommencer à respirer. Mon père m’a fait des crêpes, ce matin-là, en me promettant qu’un jour, nous aussi, on irait en voyage quelque part. Ça allait un peu mieux.

Je ne suis pas allée en Floride, mais c’correct, j’ai d’autres qualités.

Je te fais un PowerPoint quand tu veux.

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