La régression des technologies : père et fille
Je me suis réveillé en me disant que j’étais né trop tard, je suis un modèle 1950, l’époque où les gens se regardaient et se parlaient en se regardant dans les yeux …
J’ai 62 ans et je l’assume. Pour plusieurs qui lisent ce texte, je suis un vieux, dépendant de l’âge de la personne, pour un jeune, je suis un vieux débris, pour les 40 ans et plus, je suis dans la force de l’âge et pour ceux de ma génération … un p***** de beau jeune vieux : tout dépend de la façon dont on évalue la personne.
Ceci dit, je suis né lors de la création de la télévision, j’ai vécu la crise d’Octobre, le premier pas sur la Lune, et aussi l’évolution de la nouvelle technologie où les êtres humains sont devenus zombies de leurs cellulaires.
Mon cœur pleure quand je constate que personne dans une salle d’attente, dans le métro ou dans un endroit public ne peut se libérer un instant de son cellulaire….
Regarder une personne dans les yeux est un cadeau des dieux, car tous les sentiments et les fourberies transitent dans le regard, pas dans un écran ou un ordi.
Comme je l’ai dit au début, je suis un vieux qui, quand le moment sera venu, à l’hôpital, pour mes soins et mes besoins, sera aidé par un être humain en chair et en os et non un cellulaire ou une tablette!

Ce matin, je me suis levée en pensant à ton texte, papa. Je suis un modèle 1990. Dans quelques années, forcément, tu me quitteras et on m’apprendra la nouvelle. J’espère que ce sera une personne qui me l’annoncera, et non un téléphone, sinon, à qui m’accrocherai-je le moment venu? À un écran d’iPhone ? Ce n’est pas autant réconfortant que la chaleur humaine …
Je suis née à l’ère de l’avancement technologique, pourtant je suis souvent dépassée par la régression des miens. Les moyens de communication ne cessent d’évoluer, et ce, à une vitesse fulgurante, mais plus personne ne prend le temps de se parler réellement.
Les SMS incompréhensibles et le facebookage m’essoufflent. Je m’ennuie des notes en papier qu’on se passait, lorsqu’on était jeune. Tu sais, celles qui voletaient d’un bout à l’autre de la classe, dans le dos de l’enseignante, avec la fameuse question «Veux-tu sortir avec moi?» Je m’ennuie de cette simplicité, qui était, à mes yeux, si belle, si touchante.
Parfois, je te trouve vieux jeu. Certes, je sais que tu as tout à fait raison de penser ainsi. Tu as raison de bannir les téléphones, la télévision et autres technologies lors des soupers. Tu as raison de te plaindre du manque de communication entre les gens. Tu as raison de prôner les lettres, les cartes postales, car c’est si beau, papa! Et lorsque tu seras à l’hôpital, dans quelques années, ce ne sera pas une tablette ou un ordinateur qui prendra soin de toi, mais moi, anticipant ton départ, avec mes yeux déjà pleins de tristesse et de douleur…
L’amour ne se commande pas sur Apple Store, papa.