Le «mieux que rien»
Quand on vit de multiples déceptions, on finit souvent par accepter ce qui n’est pas le meilleur pour nous… Mais pourquoi ne pas l’aimer, ce «mieux que rien»?

Elle pousse ses attentes au maximum, comme si le reste avait trop peu de valeur. Elle ne se case jamais avec quelqu’un parce qu’elle regarde toujours autour pour voir s’il n’y aurait pas mieux, elle est sortie déçue de dizaines de dates qui n’ont pas correspondu à ses fantasmes, elle se sauve chaque fois avant le coup de minuit parce qu’elle ne veut consacrer ses nuits qu’au soi-disant amour de sa vie.
On défend cette façon de penser en disant que l’on ne veut pas manquer le moment où l’on rencontrera l’âme sœur en étant déjà pris avec quelqu’un d’ordinaire. On se convainc avec une certaine «fierté» que l’on est «mieux seule que mal accompagnée», on se vante d’être encore vierge en attendant le grand amour… Comme si c’était mal de reconnaître que l’on est mal à travers toute cette solitude.
À force de ne s’attendre qu’au meilleur, on manque ce qu’il y a de bien, et on reste affamé. On s’empêche d’essayer des choses qui pourraient nous surprendre, alors que ce n’est pas parce que ce n’était pas «parfait» que ce n’est pas ce dont on avait besoin à ce moment-là.
Plusieurs accusent le «mieux que rien» de n’apporter que des déceptions et de l’insatisfaction. Mais si on l’appelle de cette façon, c’est bien parce que c’est parfois pire de n’avoir personne et qu’on n’a pas davantage trouvé son idéal pour le moment. On se trouve parfois naïfs de se donner tant de mal pour une relation dans laquelle on ne se voit pas à long terme alors qu’on cherche le grand amour, ça va contre tout raisonnement intelligent quand on y pense, mais quand tout ce qu’on a pour contrer la solitude c’est de l’espoir, alors on s’en tient à ça.
Et pourquoi pas se contenter de ce gars dont la seule qualité, c’est d’être cute, pourquoi pas coucher avec lui pour essayer d’effacer le souvenir d’un autre qui t’a rejetée, ou de ton homme parfait qui pour le moment reste imaginaire? Tu ne te verrais pas passer ta vie avec lui, mais il mérite du moins un moment. Au fil du temps, on apprend à ne pas trop s’investir pour éviter d’être déçu, on sait que l’autre pourrait rencontrer son «vrai» amour n’importe quand… Et tant que c’est un «mieux que rien» réciproque, on s’assure de ne pas se faire trop de mal l’un à l’autre en créant trop d’attentes.
La précarité de ce genre de presque-couple, ça donne d’une certaine façon une plus grande valeur aux instants qu’on a partagés avec notre «plan B», puisqu’on apprend à en profiter au maximum avant que ça se termine. À force d’attendre le parfait et de craindre le pire, on manque une multitude de nuances dans l’entre-deux, qui peuvent du moins être bien. Ça ne vaut pas toujours la peine d’attendre 25 ans pour son premier baiser, ou le mariage pour coucher. Ce sont ces expériences qui nous bâtissent, qui nous font apprendre de nos erreurs, qui forgent notre maturité et qui font en sorte que nous serons enfin prêts à quelque chose de plus grand lorsque la bonne personne sera là.
Parce qu’au fond, peut-être qu’on ne la rencontrera jamais, cette âme sœur. Ou peut-être que ton friend with benefits se révèlera être ton prince charmant après quelques mois. Qui sait, ce one night stand qui te tentait mais que tu as refusé aurait réellement pu être une des plus belles nuits de ta vie… Si plutôt que d’attendre ce qu’il y a de mieux, on osait encore plus grand et qu’on se laissait aller, embrasser, aimer le temps de quelques nuits une personne imparfaite? C’est peut-être en cumulant les «mieux que rien» qu’on aura de quoi se trouver un bonheur qui n’existerait pas autrement.
Par Charlotte Poitras
Collaboratrice spontanée
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