Lettre au paternel
Il y a presque 7 ans, j’ai rencontré le deuil de toi.
Petit mot pour un si grand concept.
Trop court, trop peu suffisant pour conceptualiser, décrire, résumer tout ce que cela représente.
Laisser quelque chose derrière. Quelque chose qui nous envahissait tout entier.
Qui faisait partie intégrante de notre quotidien, qui nous sécurisait, qui faisait en sorte qu’au moins certaines choses étaient certaines.
Le deuil, c’est aussi cette opération qui consiste à oublier un petit peu. Mais comment continuer à avancer avec toutes ces valises pleines de souvenirs, de souvenirs qui font partie d’un espace-temps auquel on n’aura plus jamais accès?
Comment vivre au quotidien en faisant en sorte que ces valises nous élèvent et, qu’au contraire de nous retenir au sol, transportent la personne que l’on est déjà?
Heureusement qu’il y a les mots. Bien qu’ils soient parfois inconsistants, c’est ce qu’il reste lorsqu’il n’y a plus rien. Lorsque tout s’arrête, que la terre semble arrêter de tourner, le gazon de pousser, le coeur de battre.
Ton dernier courriel s’intitulait «Te revoir». Comme j’aimerais pouvoir en dire autant. Mais ces mots ne se rendront jamais dans le pays où tu es parti.
Pourtant je peux te revoir quand je le veux bien. Je ferme les yeux et je vois ta charpente de titan (parce que c’est toujours ce que les pères sont pour leur fille). J’entends ta voix de caverne. Plus rien ne semble pouvoir m’atteindre.
Puis, j’ouvre les yeux et une question m’assaille : comment conjuguer le souvenir de toi, te faire honneur tout en vivant pleinement le présent?
La réponse est dans la question : en vivant, tout simplement. Je te retrouve à chaque fois que j’entends un morceau de Richard Desjardins ou de Johnny Cash, à chaque fois que je savoure un bon repas, à chaque fois que j’entends l’accent de tes chères Îles-de-la-Madeleine.
Ce soir, je prendrai un verre à ta santé, à ton sens de l’émerveillement et à ton hédonisme assumé.
Par Amélie Hubert-Rouleau
Collaboratrice spontanée