Étudiant inspirant du mois : Ré-apprendre à apprendre, les yeux fermés

Sur le schéma de mon histoire d’amour avec l’école, il y a deux pointes de tarte : une parce qu’apprendre est une de mes choses préférées dans ce vaste monde, et l’autre parce que j’ai toujours été très douée en fournissant des efforts assez modérés. J’ai la chance d’avoir une mémoire wikipédia, une curiosité presque malsaine pour tout ce que je ne sais pas et une aptitude à patiner des figures de style afin de dire la même maudite affaire de 5 manières différentes.

Mais si ça peut calmer vos envies de m’haïr, il faut lire entre mes lignes que ça veut surtout dire que quand l’université est devenue plus difficile, c’est devenue difficile en (insérer le sacre de votre choix ici).

Les bancs d’école ne sont pas toujours moulés à nos fesses. On ne fit pas dedans parfaitement et ce n’est pas évident de garder le même rythme en jonglant avec toutes les balles menant à la réussite.

Mais chaque jour, on travaille tous extrêmement fort, malgré tout. Pis ça fait de vous des êtres si inspirants. C’est pourquoi nous avons décidé de vous laisser davantage de place. Cette chronique en deviendra une régulière. Envoyez-nous votre histoire ou partagez-nous celle de votre ami. Bref, vous méritez votre standing ovation, et en tapant sur mon clavier, je vais faire de mon mieux pour vous le donner :)

M’en va vous raconter une histoire qui fait du bien pour vous montrer comme la vôtre pourrait avoir le même effet.

Jeudi il y a 2 semaines, j’ai étiré en titi mon heure de pause. Je prenais une marche avec Marie-Ève, 26 ans. Le genre de rencontre qui te ré-enligne de manière ben drette avec ce qui est essentiel dans la vie. Elle est présentement en processus pour trouver sa job de vie, pis les constantes réponses négatives jouent de manière un peu beaucoup rough sur son moral ces temps-ci.

Marie-Ève a été la première étudiante de l’Université de Montréal, et la seule encore à ce jour, à avoir compléter sa maîtrise à temps plein les deux yeux fermés. Littéralement les deux yeux fermés. Tout le temps, pour toujours. Dans le sens qu’il y a environ 3 ans, Marie-Ève a perdu la vue complètement.

C’est pendant sa troisième année de baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire que la vie lui a donné une solide claque en pleine gueule avec un seul mot : diabète. Depuis toujours, elle avait appris à vivre avec un léger problème de vision, mais rien ne l’empêchant d’avoir le contrôle sur sa classe et de surveiller ses élèves. Mais ces complications médicales ont dégénérées rapidement, trop rapidement. En un an, elle a non seulement perdu la vue, mais aussi son rêve de p’tite fille d’enseigner.

En un an, elle a dû ré-apprendre à apprendre. Elle a dû ré-apprendre à vivre tout court.

Outre ses travaux qui étaient devenus exigeant à la puissance 55, puisqu’elle ne savait plus lire ni écrire, son copain a une petite fille dont ils ont la garde une semaine sur deux. Donc, Marie-Ève, qui avait maintenant besoin d’aide pour cuisiner un kraft dinner, devait, en plus, tenir en vie une humaine miniature qui, parfois, était celle qui la guidait pour égoutter les pâtes.

Marie-Ève ne se cache pas qu’elle a voulu tout lâcher. Dans tous les scénarios, elle se voyait se planter solide. Elle aurait pu prendre sa vie et la sacrer aux vidanges en blâmant l’injustice. Mais elle ne l’a pas fait.

J’ai pour croire que les épreuves les plus difficiles arrivent aux familles qui sont assez fortes pour tenir le coup ensemble, en restant unie. La famille de Marie-Ève a été un facteur déterminant dans son choix de voir dorénavant autrement. Sa maman lui a préparé, durant ses deux années de maîtrise, tous ses repas de la semaine. Son copain a réaménagé leur appartement du nord au sud pour lui faciliter la vie.

Pis la vie, c’est ça. Un choix. Celui d’être une victime ou de prendre tout ce que t’as et de dealer avec pour être heureux quand même. Parce que anyways, on ne vit qu’une seule fois (yolo t’sais).

L’université lui a proposé de lui remettre un diplôme en Éducation et non pas en Enseignement. Elle a ensuite décidé d’aller faire une Maîtrise en Adaptation Scolaire afin de se spécialiser pour aider les non-voyants dans leur milieu scolaire.

Le jour de la graduation, quand elle est montée sur scène avec son chien et sa maman, tous les gens sans exception ont fait abstraction de la règle de n’applaudir qu’à la fin pour éviter les lourdes perte de temps, et lui ont fait un standing ovation digne de Meryl Streep qui remporte son 11^e Oscar (tout le monde l’aime Meryl Streep). Parce que Marie-Ève méritait cette surdose d’amour auditif autant que Meryl Streep, ça, il n’y a aucun doute là-dessus.

Par Karine CA
Collaboratrice spontanée

Tu veux que ton texte soit publié sur lesnerds.ca? Voici comment:
Soumettre un texte spontané