À tous les papis qu’on laisse dans l’oubli

Papi,

Pardonne-moi d’être la personne qui doit te rappeler continuellement que ta femme et ta fille sont parties rejoindre le paradis.

Je suis désolée de te le murmurer lorsqu’en fait je devrais le crier à tes oreilles qui ont perdu une grande partie de leur capacité avec les années. Chaque fois, j’ai une boule au ventre, les yeux vitreux, la gorge nouée et surtout le cœur en milles miettes de voir ton visage si joyeux qui se change rapidement en peine inconsolable. Chaque fois, tu fixes le sol, tes yeux se noient dans l’eau et tes épaules s’affaissent…

Pardonne-moi d’être la seule qui te rend visite, mais surtout d’être celle qui ne vient pas assez. Chaque fois que je passe les portes de ta résidence, j’ai des souvenirs plein la tête. L’odeur qui circule à travers les corridors me procure un mal si intense que je dois parler à ma petite voix intérieure pour ne pas craquer. Chaque fois, je voudrais rebrousser chemin.

Pardonne-moi papi de vouloir partir avant même d’être arrivée. C’est que j’ai le cœur brisé à te voir passer tes journées à fixer le mur de briques rouges à travers la seule petite fenêtre de ta chambre.

Pardonne-moi papi d’être là, à te voir accumuler les souffrances sans pourvoir les apaiser. Pardonne-moi qu’on soit deux. J’ai divisé la famille lorsque maman a essayé toutes ses années de la souder.

Pardonne-moi papi de ne pas toujours avoir la force d’affronter la réalité, cette réalité qui vient voler tes pensées et te démunir de tout souvenir.

Pardonne-moi de laisser ma douleur te mettre dans l’oubli parfois. Mais saches que tu fais partie de moi pour toujours et que je t’aime à l’infini.

Ta seule petite fille. xxx