Kate Winslet et le refus de la perfection artificielle

Lorsque j’avais 8 ans, j’ai demandé à ma mère s’il y avait des grosses chanteuses. Regard étonné de sa part. Après une minute d’hésitation, elle m’a finalement répondu. «Ben…il y a Ginette Reno.» C’est tout. Pas un mot de plus, elle ne cherche pas à savoir pourquoi je voulais savoir.

Peut-être que si j’avais su qui était Ginette Reno, j’aurais bien reçu cette nouvelle. Du haut de mes huit années de vie, je me suis dit «Oh non, il n’y a qu’une seule chanteuse avec des bourrelets et elle n’est même pas connue!» C’est à ce moment que j’ai mis un trait sur mes espoirs artistiques: j’avais de la graisse et l’empire de la chanson n’aimait pas le gras.

Fuck, faut tu que ça aille mal pour que tu te trouves grosse à huit ans.

Je sais pas si quelque chose aurait pu me faire changer d’avis sur mon corps. Après tout, les pensées qui nous envahissent, celles qui nous disent qu’on n’est pas assez belles, pas assez fortes, elles sont tenaces. Qu’il y ait une Ginette Reno ou mille, c’est pas ce qui va t’empêcher d’observer tes cuisses comme si c’était deux gros jambons. Mais je pense fortement que si les magazines faisaient des efforts au niveau de la représentation, il y aurait bien des petites filles qui auraient moins honte de sortir en shorts.

C’est pour ça que je tiens à féliciter Zendaya, qui vient d’ailleurs d’avoir une Barbie à son effigie, et Kate Winslet pour leur décision de refuser d’être photoshopées dans leurs photos! On s’entend, ces filles ne seront jamais bien grasses. Mais si on peut voir qu’elles n’ont pas le ventre parfaitement plat qu’on imagine, ou qu’elles ont des vergetures sur les cuisses, du gras de bras comme tout le monde, c’est déjà un pas vers l’acceptation.

Si le simple fait de voir que la vedette du Titanic te ressemble un peu plus peut te faire te sentir un peu mieux dans ta peau, tant mieux! On souhaite également que les modèles masculins emboitent le pas, parce que les hommes subissent autant que les femmes la pression de la beauté. Moi, je rêve du jour où le poids idéal sera celui qui ne mettra pas ta santé en danger. Peu importe que ce soit parce que tu es trop maigre ou trop gros.

Ça ne règle pas tout. On sait bien que c’est pas parce que la magnifique Zendaya montre ses 3-4 défauts en une du Seventeen que tu vas cesser de te peser trois fois par jour, de calculer tous tes calories, ou de te faire vomir.

Mais qu’on ait des vedettes qui assument ce qu’elles sont aideront les fillettes du monde entier à aimer leur corps. Que Debbie Lynch-Wright et Rebel Wilson soient belles autant que Jennifer Lawrence et Emma Watson, c’est magique. C’est Photoshop qui est laid.

On a tous des boutons. Des vergetures. Un nez un peu courbé, les cheveux un peu fous, un sein plus petit que l’autre. Mais on est toutes belles et beaux. Et comme le dit Baz Lurhmann dans la magnifique chanson Everybody’s free, you are not as fat as you imagine. C’est la différence qui nous rend tous uniques. C’est l’acceptation qui nous rend invincibles.

Je ne rêve plus d’être une chanteuse. Est-ce que j’aime mon corps? Je ne vous cacherai pas qu’il y a des jours où chaque bourrelet semble peser deux tonnes. Où je me rendrais malade à m’observer. Ces jours-là, vous me croiserez au gym, plus motivée que jamais. J’apprivoise mon corps. J’essaie d’aimer mes cuisses. J’oublie mon ventre. J’aime bien mes cernes. C’est un combat de tous les instants, mais maintenant, j’ai Kate Winslet à mes côtés.