Mon premier coup de vieux

Mardi matin, j’ai reçu mon premier coup de vieux. Ça m’a frappé en plein visage. Une double claque en plus.

D’abord, le désespoir de ne pas m’être complètement remise de ma soirée de dimanche. À même pas 22 ans, ça me prend 2 jours pour me remettre d’une brosse.

Puis, je réalise tout à coup (je réalise vraiment, pour la première fois) que dimanche, c’était mon bal de finissante. J’ai terminé mon bac. Je suis bachelière. Même si dans mon cas, les études ne s’arrêtent pas là, la fin du bac signifie la fin de ma jeunesse. Pour moi, c’est le point de non-retour : je suis officiellement adulte.

Maintenant, comment je deal avec ça?

La panique.

Et s’il s’agissait de ma dernière nuit de folie? Adieu les soirées à boire des bières cheaps, adieu mon one size avec des singes dessus, adieu les poutines à 3h du matin. Bonjour les soirées vins et fromages où je ne devrai PAS être saoule. Mon compte LinkedIn approche, je le sens.

Et si maintenant, je devais faire semblant d’aimer le vin rouge, et m’acheter des bouteilles qui coûtent plus que 10$? Et si maintenant, je devais apprendre à utiliser une cuillère pour manger mon spag? Et si je devais m’acheter plus de chemises? Et si je devais réussir à plugger des mots comme « effectivement » dans mes phrases quotidiennes? Et si je devais apprendre mon numéro d’assurance sociale par cœur? Et si je devais investir dans un REER? Et si je devais me mettre à écouter du jazz? Et si je devais être capable de partir le BBQ sans appeler mon père? Et si, au bar de karaoké, je n’avais plus le droit de chanter du Céline Dion comme si ma vie en dépendait?

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Le secret.

Sur le coup, j’ai paniqué, je vous le dis. Je refusais de perdre mon droit d’être yolo. Mais maintenant, ça va, j’ai compris. J’accepte de jouer le jeu. J’irai bientôt magasiner du linge de madame et je demanderai à Google de faire de moi une véritable sommelière. Je me fonderai dans la masse, tu n’y verras que du feu. Mais quand je croiserai ton regard, toi, l’adulte, tu sauras que je sais. Je sais qui tu es. Tu sais quoi? Je connais ton secret. Je sais que toi, l’adulte, tu mènes en vérité une double vie.

Je sais que quand tu es trop lâche pour cuisiner, tu soupes avec un sandwich au beurre de peanut. Et que tu attends parfois 2-3 jours avant de faire ta vaisselle.

Je sais que le soir, tu ne peux pas t’endormir si un de tes pieds dépasse du lit. Je sais que ton ourson en peluche n’est pas caché très loin dans ton garde-robe.

Je sais qu’une ou deux fois par année, tu joues encore aux Sims en cachette. Je sais que tu t’ennuies terriblement d’écouter les Frères Scott ou Degrassi (savais-tu qu’il y avait une nouvelle-nouvelle génération?!). Et je sais que tu me jalouses de n’avoir jamais vendu mon Nintendo 64.

Je sais que peu importe si tu aimes ou non ton travail, tu le quitterais n’importe quand pour passer quelques minutes dans une cabane faite en draps.

Je sais que quand il n’y a personne chez toi, tu mets la musique à fond et tu danses devant ton miroir avec une brosse à cheveux en guise de micro.

Je le sais, parce qu’au final, je ne pense pas qu’on devienne un jour 100% adulte. Ou plutôt, je crois qu’être un « vrai » adulte, c’est justement…ne pas l’être. Être capable d’appuyer sur «pause», ne pas trop se prendre au sérieux, ne pas se prendre pour un autre, rire de soi-même, se donner droit à l’erreur, et s’en foutre une fois de temps en temps.

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